Toujours plus fin : le maire de Blaye compare la droite française au nazisme 

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Denis Baldès, maire de Blaye, commune de Gironde d’à peine cinq mille habitants, n’est a priori affilié à aucun parti politique, à l’instar de tant d'autres édiles de province. Vraiment ?

Lors des commémorations de ce 8 mai, censées célébrer la fin du second conflit mondial, il s'est manifestement laissé quelque peu emporter. Sans faire offense au monde paysan, son allocution est à peu près aussi lourde qu’un régiment de tracteurs : « C’est à une idéologie barbare, fondée sur le nationalisme et le racisme, que l’on doit soixante millions de morts, dont trente millions d’Européens. […] Les extrêmes droites ont soutenu, sous une forme ou une autre, l’Allemagne nazie. C’est également le cas de l’extrême droite française. » Tout dans la nuance.

Aussitôt, Bernard Moinet, conseiller municipal d’opposition sans étiquette, est ostensiblement parti en plein discours. Encarté chez LR, porte-drapeau officiel de la cérémonie, commandant honoraire de l’armée de l’air, membre de l’Association nationale des médaillés de l’ordre national du Mérite, cet homme n’est pas exactement le premier venu.

Contacté par la presse locale, il livre ce qu’il a sur le cœur afin de mieux expliciter la portée symbolique de son geste : « C’était insupportable. Quand bien même je suis d’accord sur la partie du nazisme, nous avons entendu la même rhétorique du maire, très politisée et partisane depuis longtemps. Et ça n’avait pas lieu d’être ici. À ce moment-là, il faudrait aussi parler du rôle de l’extrême gauche. » La sortie ne manque pas de panache : pour une fois, la grande muette ose enfin l’ouvrir.

Après, pourquoi évoquer le rôle de « l’extrême gauche » durant les heures les moins lumineuses de notre Histoire ? Dans son remarquable essai, Les Trotskistes (Fayard), le journaliste Christophe Nick a résolu la question depuis longtemps : les tenants de la Quatrième Internationale, ne parvenant pas à opter entre un régime socialiste et ouvriériste, l’Allemagne hitlérienne et un système capitaliste franco-anglais, jugèrent plus prudent d’aller à la chasse au dahu. Quant au PCF, entre pacte germano-soviétique et entrée tardive dans la Résistance - ce que Denis Baldès paraît avoir oublié -, il y aurait beaucoup à dire sur le patriotisme rétroactif de nos compatriotes communistes.

Pour le reste, cette « extrême droite française » à la fois fantasmée par le maire de Blaye et les Miss France médiatiques, qui aurait été fascinée par le diable nazi, son rôle a été par le menu décrit depuis des décennies dans d’innombrables essais.

Denis Baldès serait bien inspiré de s’y plonger. Un récent livre, En bande organisée (Albin Michel), signé par Sébastien Le Fol, ancien ponte du Point, résume globalement la question, même s'il n’y apporte pas de fracassantes révélations. En effet, tout était déjà dans l’essai d’Alain Griotteray : 1940, la droite était au rendez-vous (Robert Laffont). Le premier martyr de la Résistance est Honoré d’Estienne d’Orves, ancien d’Action française, tout comme le général Pierre Guillain de Bénouville ou Daniel Cordier, secrétaire particulier de Jean Moulin. Le tout fut suivi par d’autres livres, dont le plus fameux demeure ce pavé lancé dans la mare par l’universitaire israélien Simon Epstein, Le Paradoxe français (Albin Michel) : il détaille par le menu l’itinéraire des acteurs de l’époque. Il en ressort cet axe majeur voulant que plus ces Français étaient rétifs aux valeurs républicaines et à l’antiracisme et plus ils furent les premiers à rejoindre Londres, tandis que les tenants de l’universalisme humaniste et européiste avant l’heure eurent plutôt tendance à rallier les rangs de la collaboration.

Bref, comme le disait un François Mitterrand quasiment mourant au jeune Georges-Marc Benamou qui l’interrogeait à propos de cette période plus que trouble : « Jeune homme, vous ne savez pas de quoi vous parlez. »

Avant de parler, donc, Denis Baldès aurait peut-être dû relire ses mentors en politique, lui que la presse régionale donne pour être « plutôt de gauche ». Et là, peut-être aurait-il interrompu sa propre causerie pour rejoindre le courageux commandant honoraire Bernard Moinet. Lequel nous confie : « En tant qu’officier supérieur en uniforme et portant le drapeau, je n’avais pas le droit de l’interrompre et de prendre la parole. Mais je ne pouvais pas non plus rester à ne rien faire. J’ai donc préféré quitter ostensiblement la cérémonie. C’était bien le moins. » C’est déjà beaucoup.

(Mise à jour le 16 mai à 10 h)

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Nicolas Gauthier
Journaliste à BV, écrivain

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