Tests, masques et déconfinement, de quoi parlons-nous ?

masque

« Des tests et des masques », cela semble l’expression condensée de nos aspirations de 2020. Elle remplace la devise aussi prosaïque « du pain et des jeux ». Le binôme revient si souvent dans la bouche d’Éric Zemmour qu’il s’excuse sans cesse, sur CNews, de répéter qu’avec « des tests et des masques », on ne serait pas réduits à notre état de confinés impuissants.

Mais de quels tests et masques parlons-nous ?

Pour les masques, je n’y reviens pas, on a été informé surtout de leur diversité et de leur absence, et on semble attendre le résultat d’études sur le rapport bénéfice/risque des écharpes et autres cache-nez artisanaux pour les conseiller à défaut de masques homologués.

Les informations ânonnées pour les tests sont aussi floues. On voit surtout des prélèvements dans le nez, mais parfois sanguins. On évoque de « nouveaux tests », des « test rapides ». Ce serait comme les masques : il y en a de bons et de meilleurs, de plus confortables et de plus « tendance » ?

Le terme « tests » désigne aussi bien les « examens sérologiques » qui permettent de savoir si le sujet a développé des anticorps contre le virus (auquel cas, il aurait été infecté et serait guéri) que les examens traquant le virus lui-même. Si le test sérologique est positif, on pourrait déconfiner le sujet comme s’il était vacciné. Si le test recherchant le virus est positif, le sujet doit rester confiné dans l’immédiat car il est contagieux.

Les tests détectant le virus lui-même sont les seuls dont on a pu disposer, dès le début même de l’épidémie en Europe, grâce aux données chinoises. En pratique, j’ai rapidement vu nombre de cas finalement diagnostiqués malades du Covid-19, alors qu’un premier test était négatif. Il y a, en réalité, beaucoup de faux négatifs dans la France entière, autrement dit, le test est peu sensible. 40 % des gens qui sont en réalité infectés ne seraient pas identifiés sur un test.

Lundi, Emmanuel Macron a promis, pour le déconfinement en mai, des tests pour tous les malades. De quels « tests » s’agit-il ? S’agit-il de ces mêmes tests qui sont faussement négatifs dans près de la moitié des cas ? Bien sûr, on isolera les malades positifs, mais osera-t-on déconfiner les malades négatifs ?

J’ai le sentiment qu'il s'agit du même mensonge qu’avec les masques. Pénurie oblige, on proclame la denrée inutile pour tous et réservée - sauf exception - aux malades. Ainsi, l’objectif de fournir le matériel est plus facile à atteindre !

Ne faudrait-il pas, pour déconfiner en mai, plutôt encore laisser tous les malades en quarantaine et diffuser les tests à des sujets suspects d’être porteurs asymptomatiques, dont on confinerait strictement la partie diagnostiquée positive ? Mais Emmanuel Macron a raison de dire qu’il est insensé de tester tout le monde. Dans ce cas, le nombre de tests à réaliser serait d’emblée insoutenable et il faudrait en plus contrôler, pourquoi pas quotidiennement, que les tests négatifs le sont toujours ! Il me semble, en vérité, illusoire de compter sur les tests actuels pour arrêter maintenant l'épidémie.

Peut-être le Président parlait-il des tests sérologiques qui sont en train de sortir ? Ils seraient, en effet, probablement utiles s’il s’avérait que les anticorps protègent efficacement d’une réinfection. Mais, sans vaccin, combien de mois ou années confinera-t-on alors les millions de sujets sans anticorps ? Il y a des flous dans ses propos et ne dit-on pas "quand c'est flou, c'est qu'il y a un loup"? Il y a là une meute entière...

Dr Emmanuel Jalladeau
Dr Emmanuel Jalladeau
Médecin neurologue

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