Surexposition des enfants au porno : à quoi bon l’indignation ?

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Neuf ans. C’est désormais l’âge à partir duquel sont proposés des ateliers de sensibilisation par Samia, cette infirmière scolaire qui tire la sonnette d’alarme dans Le Parisien. « Auparavant, mes interventions étaient surtout au collège. Mais là, dès le CM1, je dois intervenir. Parce que je me retrouve face à des petits qui parlent de fellation, de pénétration par les fesses. » Elle relate que certains jeunes consomment trois pornos par jour et qu’une élève de CM2 a même commencé sa rédaction par « J’ai envie de ton sexe dans ma bouche ». Hélène, cette autre infirmière en milieu scolaire à Marseille, explique au journal qu’elle a appris que des élèves de 5e (donc 11-12 ans) jouaient au « jeu de l’arc-en-ciel ». Il ne s’agit pas de jolies couleurs dessinées dans la cour de récré illustrant les marelles de notre enfance. Non, ce « jeu » consiste, pour ces fillettes, « à mettre du rouge à lèvres, à pratiquer des fellations et à voir avec la trace laissée par le rouge à lèvres quel niveau elles ont atteint ».

Alors passée l'indignation, on s'interroge et on multiplie çà et là, auprès des parents et de leurs enfants, les campagnes d’information et les ateliers de sensibilisation. Le gouvernement, qui excelle à créer de nouvelles plates-formes à chaque fois qu’il faut régler un problème, a lancé la vidéo et le site Je protège mon enfant. Des conseils et des solutions techniques de contrôle parental y sont proposés. Les lanceurs d’alerte sur cette subversion de la jeunesse sont pléthore, et après ?

À quoi bon s’alarmer sur l’innocence volée de cette enfance sacrifiée dès lors que les vrais remèdes ne seront jamais appliqués ? On se donne bonne conscience en installant un contrôle parental tout en équipant sa progéniture d’un smartphone dès le primaire. Une étude de Médiamétrie, publiée en février 2020, indique que « les enfants reçoivent leur premier smartphone en moyenne à l’âge de 9 ans ». Tiens donc... Grandissant dans un monde d'adultes ultra-connectés et une société de plus en plus numérisée, comment les enfants pourraient-ils se construire autrement ? Si supprimer les écrans suffisait à remédier au problème…

Mais il est incrusté plus profondément et est à chercher, au risque de se répéter et d'enfiler les lapalissades, du côté de l’hypersexualisation de la société : libération post-soixante-huitarde et son hédonisme culturel, banalisation de l’adultère dans les publicités, incitations à s'habiller en tenue provocante parfois même jusqu'à la prostitution via les réseaux sociaux, évolution des programmes sur la vie affective, vulgarité dans les mangas que décrit le magazine féministe Causette : « Ici, une reine vampire dans le corps d’une enfant combattant des ennemis en string. Ou bien une gamine complètement nue, attachée et pendue par une corde. Là, une lycéenne se prostituant, en plein milieu d’une fellation. Ces scènes sont toutes issues de mangas publiés en France, venus majoritairement du Japon où la législation et le rapport à la sexualité et la nudité sont très différents. Là-bas, la pédopornographie dessinée n’est pas interdite. » Ayant rejeté les notions de péché, de pudeur et de valeurs morales moquées et appartenant au passé, notre société dévoyée essaie de panser ses plaies en posant des cautères sur une jambe de bois.

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Iris Bridier
Journaliste à BV

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