Schumi et la fin d’un pacte social
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Les urgences sont en grève et témoignent des incohérences multiples de notre système de santé publique. Elles sont submergées par une demande de soins qui ne trouve pas de réponse locale plus appropriée avec la médecine libérale. Libérale ? Elle l’est de moins en moins, mais elle est tout aussi démunie que la médecine des hôpitaux. Voilà le résultat d’années de numerus clausus drastique pour préserver une rente et nous voici obligés d’importer des médecins ou de garder ceux des pays en voie de développement que nous formons et qui seraient si utiles dans leur contrée d’origine.
Mais on importe aussi des malades. Depuis bien longtemps, des personnes originaires de pays où les soins ne sont pas de qualité comparable et où l’accès à la médecine est plus coûteux se sont débrouillées pour venir se faire soigner aux frais des assurances sociales françaises.
Parfois, ce sont des VIP, comme le multiple champion du monde de F1 Michael Schumacher, 50 ans, victime d’un très grave accident de ski en 2013 et atteint de multiples lésions au cerveau. Il vit reclus chez lui, en Suisse, dans un état de santé dont nous savons très peu de choses : son épouse a dressé des murailles de Chine pour protéger l’intimité du très médiatique champion. Il est arrivé, lundi, à Paris, pour être pris en charge par l’hôpital Georges-Pompidou, au sein du service de chirurgie cardio-vasculaire du professeur Philippe Menasché. Le secret médical interdit de savoir exactement quel est le diagnostic et pour quels soins, et c’est très bien ainsi. Nul doute que pour l’Assistance publique – Hôpitaux de Paris, il s’agit d’une demande de soins émanant d’un patient présumé solvable. Cela justifie-t-il de déployer des moyens hors normes pour protéger l’intimité du malade ? Le tapis rouge dans un hôpital, c’est possible, constateront ceux qui patientent dans des services surencombrés.
Il y a, bien sûr, l’asymétrie manifeste. Comment ne pas penser à l’acharnement euthanasique mis en œuvre par un autre hôpital public français, celui de Reims, à propos d’un modeste infirmier, cérébrolésé lui aussi : Vincent Lambert ? C’est toujours valorisant de soigner le malade riche et prestigieux qui peut s’offrir les services du meilleur praticien. Et puis, il y a se débarrasser du « boulet » que l’on traîne en évitant, si possible, de perdre la face. Les récents papes ont tous parlé de la culture du rebut, du déchet ... ils prêchent, malheureusement, dans le désert.
Il n’est pas question de réclamer ici un retour à l’acharnement thérapeutique pour tout le monde, aux frais d’assurances sociales exsangues et pour la gloriole des carabins. Mais le pacte social peut-il se poursuivre avec des prestations qui se dégradent objectivement pour le vulgum pecus standard et un coût qui, lui, ne diminue pas et grève la productivité de nos entreprises tant il est élevé ? Les récentes révélations sur les millions de cartes Vitale surnuméraires témoignent d’une gabegie intolérable, mais qui semble perdurer depuis des lustres sans qu’il y soit mis bon ordre. Pourquoi ce laxisme ? Pendant des années, à chaque signature sur un chèque de l’URSSAF, je me posais la question : « Les salariés et l’entreprise en ont-ils pour leur argent ? » sans pouvoir l’affirmer, hélas. Naïf que j’étais ! Aujourd’hui, j’ai la certitude que non.
Ne nous berçons pas d’illusions : parmi les privilèges que donne l’argent, il y aura toujours celui d’être mieux soigné. Mais si l’ensemble du système de santé français se dotait d’une gouvernance satisfaisante et luttait efficacement contre les fraudes, ce serait une chance de soigner mieux. Faute de quoi, la première question du praticien portera sur la solvabilité du patient. La médecine, un simple service marchand ? C’est dommage d’en arriver là.
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