Liz Truss, favorite pour succéder à Boris Johnson à la tête du Parti conservateur comme à celle du gouvernement britannique, vient d’être désignée par la majorité des 160.000 adhérents tories. C’est donc une femme de 46 ans, au teint diaphane et à la blondeur britannique qui succède au flamboyant BoJo. Elle semble d’ailleurs beaucoup moins fantasque, impétueuse et imprévisible que son prédécesseur.

Qui est-elle ?

Son parcours est atypique. Née d’une mère infirmière et d’un père professeur de mathématiques, Liz Truss vient d’une famille de la classe moyenne culturellement ancrée à gauche. Ses premiers engagements politiques allaient dans ce sens. Elle a dans sa jeunesse participé à des défilés antinucléaires et plaidé pour la fin de la monarchie britannique. Ironie de l’Histoire, elle se rendra dès mardi à Balmoral pour se présenter à la reine à qui elle devra, selon la coutume, rendre compte chaque semaine de l’action de son gouvernement.

Diplômée d’Oxford, elle s’oriente en 1996 vers le conservatisme. Après deux échecs à la députation, elle est élue en 2010 dans le district de South West Norfolk. Dès lors, sa carrière politique s’accélère. La jeune femme entre, dès 2012, au gouvernement de David Cameron en tant que secrétaire d’État à l’Éducation, puis prend le ministère de l’Environnement en 2014. Lors de la campagne du Brexit, elle est dans le camp des remainers, ceux qui veulent que la Grande-Bretagne reste dans l’Union européenne. Elle a, depuis, changé d’avis, au point que Boris Johnson, à qui elle est toujours restée loyale, lui confie le ministère du Commerce extérieur et la charge de négocier les traités commerciaux post-Brexit. Elle y remporte d’ailleurs quelques jolis succès.

Lors de la crise politique qui secoue le gouvernement de Boris Johnson au début du mois de juillet, elle lui reste fidèle et refuse de démissionner, à la différence de son rival malheureux Rishi Sunak, le ministre des Finances de BoJo.

Pendant sa campagne, Liz Truss a joué à fond la carte Margaret Thatcher, encore très populaire chez les conservateurs. Par une habile communication politique, le registre de la nouvelle dame de fer s’est imposée, comme lorsque Liz Truss a vertement critiqué les syndicats lors des grèves à répétition des transporteurs, des dockers et des postiers qui ont marqué l’été anglais. Dès son élection, Liz Truss a promis des baisses d’impôts : elle se démarque en cela de la politique menée par son prédécesseur qui entendait, par une hausse des cotisations sociales, absorber le coût de la crise sanitaire. Elle entend alléger la pression fiscale : une clé, selon la future locataire du 10 Downing street, pour relancer la croissance et faire baisser l’inflation qui culmine aujourd’hui à plus de 10 %, et que les prévisions donnent à 22 % cet automne. Elle entend également, selon Vincent Hervouët, « tailler dans le vif de la bureaucratie ». Elle a donc été élue sur la promesse d’un électrochoc pour faire face à un contexte social explosif (comme partout ailleurs en Europe) et pour pallier l’augmentation conséquente du coût de la vie pour les ménages et les entreprises, notamment en matière énergétique. Selon les prévisions, les factures d’énergie des ménages anglais devraient augmenter de 80 % en octobre.

Ses relations avec la France

Interrogée pendant sa campagne sur ce qu’elle pense d’Emmanuel Macron, elle répond qu’elle est incapable de dire si c’est un ami ou un ennemi. Elle le jugera « sur ses actes. Le jury est toujours en train de délibérer », ajoute-t-elle. À quoi Emmanuel Macron a répondu d’Alger : « Le peuple britannique, la nation qui est le Royaume-Uni est une nation amie, forte et alliée, quels que soient ses dirigeants et parfois malgré et au-delà de ses dirigeants ou des petites erreurs qu’ils peuvent faire dans des propos d’estrade. » Ce sera peut-être plus simple avec l'Allemagne : le chancelier Olaf Scholz vient de déclarer sur Twitter, à l’annonce de la victoire de Liz Truss : « Le Royaume-Uni et l'Allemagne vont continuer à travailler étroitement ensemble, comme partenaires et comme amis. »

Les dossiers sensibles des quotas de pêche, si mal négociés - pour les pêcheurs français - par Michel Barnier lors du Brexit et le dossier migratoire sont en effet des points de discorde entre les deux pays. Sur la question migratoire, Boris Johnson avait établi un accord avec le Rwanda pour expulser les clandestins vers ce pays africain le temps que les demandes d’asile y soient étudiées. Diverses associations et surtout la CEDH (Cour européenne des droits de l'homme) – alors que le Royaume-Uni ne fait plus partie de l’Union européenne – en avaient empêché l’application. Liz Truss, pendant sa campagne, a annoncé vouloir se retirer de la CEDH, ce qui créerait un précédent sur le sol européen.

La question ukrainienne

Liz Truss et Macron devraient néanmoins se retrouver sur le dossier ukrainien. Lors d’un entretien accordé à la presse internationale, le 22 juin dernier, Liz Truss, alors ministre des Affaires étrangères, s’est affirmée fermement antirusse. Selon elle, l’Ukraine doit être soutenue militairement, quitte à envisager une intervention plus directe des pays de l’OTAN. Sa ligne atlantiste l’est presque plus que celle de Boris Johnson. Lors de cet entretien, elle repoussait l’idée d’une paix qu’elle jugeait précaire.

L’ascension politique rapide de Liz Truss jusqu’au sommet du pouvoir est la marque d'une personnalité ambitieuse, très politique. Elle a su conquérir le pouvoir, saura-t-elle le garder ? Les prochaines élections législatives auront lieu en 2024. Écarté des affaires depuis 2010, le Labour sera certainement en embuscade pour le reconquérir… Dans un contexte de crise mondiale, Liz Truss et, derrière elle, tous les conservateurs britanniques jouent à quitte ou double.

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05 septembre 2022 à 20:15

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10 commentaires

  1. La France étant totalement inféodée à l’Europe il serait étonnant que la 1ere Ministre anglaise écoute un seul instant le champion de l’Europe qu’ils ont quittés au bon moment !

  2. Toujours est-il qu’elle a été préférée au musulman, c’est un bon début pour les chrétiens. Que la suite soit universelle dans tous les domaines.

  3. macron va encore lui donner des conseils et la il va prendre une volee de bois vert et pour essayer
    de cacher sa honte il va se rapprocher et donner des conseils a madame Meloni (qui normalement devrait etre elue)
    et la il va en prendre plein la tronche elle a deja commencee

  4. Sur Macron, elle a dit « Je regarderai ce qu’il fait mais je n’écouterai pas ce qu’il dit ». C’est une femme efficace, elle gagnera beaucoup de temps.
    Quant au négociateur Michel Barnier …..

  5. Il est normal pour l’Angleterre de se retirer de la CEDH, cette instance anti-démocratique où sévissent beaucoup d »anciens de la sorosphère quand on sait que Soros a fait sa fortune en spéculant sur la livre sterling, mettant ainsi par terre la banque d’Angleterre.

  6. L’attitude de la France dans les négociations sur le Brexit a été désastreuse. Et par l’intermédiaire de son négociateur européen Michel Barnier Macron s’est montré à nouveau n’être qu’un pantin d’estrade de Soros et Schwab.
    Quant à l’attitude ultra pro-Kiev de BoJo je pense qu’elle est basée sur son ressentiment anti-Europe. Car cela a poussé l’Europe à faire de la surenchère et se tirer dans les deux pieds économiquement en étant bêtement anti-Russe, ce qui est la vengeance de BoJo. C’est d’ailleurs l’attitude de la nouvelle ministre des Affaires Etrangères de Macron qui était l’Ambassadrice de France au Royaume Uni et qui sortant complètement de son rôle était farouchement anti-Brexit en plus d’être une anti-juive acharnée au point que les juifs français résidents au RU reçoivent un service dégradé.

  7. On verra à l’usage. Pour ma part je reste dubitative : trop souvent les femmes politiques adoptent les défauts des hommes qui ajoutés aux leurs font souvent de sacrés cocktails.

  8. Où est passé le sens pratique britannique? Rappelons que c’est Poutine qui a la main sur le robinet du gaz.

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