Retraites : la guerre des tranchées a démarré

A peine 20 minutes et déjà une suspension de séance. « Mesdames messieurs le députés, nous y sommes ». Le Ministre du Travail Olivier Dussopt est inaudible dans le brouhaha causé par la Nupes, qui force la présidente de l’Assemblée Nationale à suspendre la séance. L’heure n’est plus à la guerre de mouvement et à la mobilité des convictions. Du coté de la majorité, la position n’a pas bougé : « Il n’y a pas d’alternative », a prévenu la Première ministre Elisabeth Borne. Si quelques voix dans la majorité, dont celle du député Renaissance de l’Hérault Patrick Vignal, ont renâclé, voire rejettent la réforme « en l’état », l’Exécutif espère compter sur ses alliés du Modem et d’Horizon pour résister aux vagues d’assaut de l’opposition dans l’hémicycle et dans la rue. Coté LFI-Nupes, la position est claire à l’instar du discours d’Eric Coquerel à la tribune  : « Le retrait de votre réforme des retraites n’est pas négociable », a martelé le président de la Commission des Finances. Même son de cloche au RN qui portera au vote une motion référendaire.

Côté LR, cela se corse. Si l’Exécutif et le groupe d’Olivier Marleix étaient parvenus à un accord, certaines voix dont celle du député du Lot et vice-président du parti Aurélien Pradié ont été franchement hostiles à la réforme. Du coté du député des Alpes-Maritimes Eric Ciotti, on certifie que « le gouvernement pourra se passer du 49-3 si le gouvernement « sait écouter » les demandes des LR.» Lors d’une conférence de presse quelques instants avant la séance inaugurale des débats sur la réforme des retraites, la présidente du groupe RN Marine Le Pen rétorque : « Si j’étais à la place d’Eric Ciotti, j’éviterais de parler au nom d’un groupe qui n’a jamais réussi à voter de manière unanime quel que soit le sujet » 

La bataille référendaire

Dans les faits, les débats sont chauds. Avec 16.000 amendements déposés, la Nupes a promis des débats enfiévrés. D’entrée, la présidente Yaël Braun-Pivet a été  prise à partie par une Nupes vociférant contre le tirage au sort des motions référendaires ayant favorisé le RN. « On commémore aujourd’hui le 6 février 1934 et la menace fasciste qui menaça la Chambre des députés, a vociféré dans l’hémicycle le député hamomiste Benjamin Lucas. C’est le jour choisi par la macronie pour (…) favoriser l’extrême droite ». En l’occurrence et pour rappel, deux motions référendaires et deux motions de rejet avaient été déposées par le RN et la Nupes. Le tirage au sort a désigné celle du RN. « Si le tirage au sort vous avait été favorable, on ne vous aurait pas entendus », a affirmé Marine Le Pen. D’autant qu’entre-temps, le groupe LIOT présidé par Charles de Courson a proposé une troisième motion : « Nous sommes prêts à retirer notre motion si nos députés peuvent co-signer celle présentée par LIOT », a-t-elle répliqué. « On n’est pas dans une manif, on n’est pas dans un amphi, on est dans l’hémicycle », s’énerve la présidente de l’Assemblée nationale tançant la gauche de l’hémicycle. Largement chahuté, Olivier Dussopt a du s’y reprendre à cinq fois pour parvenir à commencer son discours.

La Nupes en toute violence

Avec ses 17.000 amendements déposés, le message envoyé par la gauche porte un nom : l’obstruction. « Je suis étonnée de voir LFI s’enfermer chaque jour davantage dans son sectarisme », fait mine de s’étonner la présidente du groupe RN. Pour son entourage en tout cas, l’épilogue est couru d’avance : l’assemblée ne pourra pas aller au bout de l’examen du projet et ne pourra donc pas voter ou rejeter ce texte avant son départ au Sénat.

« Je souhaite que le débat soit à la hauteur mais chacun de vos mots m’en dissuade », proteste le terne mais constant Dussopt. Une ambiance électrique qui n’est pas du goût du RN. Ainsi, le député de la Moselle Alexandre Loubet attaque : « Ils s’agitent pour dissimuler la trahison de leurs électeurs et des Français aux cotés desquels ils manifestent pour ensuite leur refuser la parole en étant contre la motion référendaire du RN ». Une position partagée par son collègue : « Ils ont abandonné les classes populaires pour défendre leur chapelle », réagit pour sa part le député du Loiret Thomas Ménagé qui rappelle que « leur obstruction fait le jeu du gouvernement » puisqu’il garantirait une absence de vote alors même que la majorité n’est pas acquise pour ce texte. Au fond, on aurait presque l’impression que la Nupes préfère perdre cette bataille pour éviter de partager la victoire avec le Rassemblement national. « En fait, s’ils sont vraiment malins, ils retireront leurs amendements pour provoquer un vote, souffle un député de la majorité. A l’heure actuelle, cette réforme ne passera pas en l’état ».

Au final, l’Assemblée a rejeté avec une courte avance la motion de rejet déposée par LFI malgré le soutien du RN et de la majorité de LIOT. La majorité a pu compter sur le soutien des LR. Quant à la motion référendaire déposée par le RN et défendue par le vice-président du groupe Sébastien Chenu, elle aura été repoussée plus largement, la Nupes ayant déserté l’hémicycle pour ne pas voter une motion avec le RN... Cette motion, elle l'avait pourtant initialement voulue, déposée et soutenue !

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