Réduire la facture de carburant des Français : les fausses bonnes idées ?

carburant pompe

Malgré les efforts de l’État et des distributeurs, les prix des carburants ne décolèrent pas et restent allègrement au-dessus des deux euros par litre sur l’ensemble du territoire. Malgré la baisse du prix du baril de pétrole, passé sous la barre symbolique des 100 dollars, avec un change euro/dollar à parité et des marges de raffinages ayant atteint, ces dernières semaines, des valeurs stratosphériques (jusqu’à 200 €/tonne, comparé à 30 € au premier semestre 2021), le prix HT dépasse l’euro. En ajoutant la TICPE (taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques) et la TVA (qui s’applique à la fois sur le prix HT et la TICPE), le prix moyen affiché en début de semaine était aux alentours de 2,10 €. Levier majeur de l’inflation (+6 % entre juin 2021 et juin 2022), ponctionnant toujours un peu plus le pouvoir d’achat des plus modestes, les prix des carburants mettent aussi en difficulté de nombreuses activités économiques. Par ailleurs, il s’agit d’une potentielle bombe sociale. N’oublions pas que le mouvement des gilets jaunes s’est déclenché en filigrane de l’augmentation du litre de gazole.

Face à cette situation, chaque parti politique essaye d’exister au Parlement en proposant des solutions court terme diverses et variées. Aucune de ces solutions n’est destinée à résoudre l’équation actuelle sur le fond mais à colmater à grands frais une situation qui pourrait devenir explosive à la rentrée. Nous proposons ci-dessous une analyse critique de ces différentes solutions destinées à soulager la note de carburant consommé chaque année par les Français. Un tiers de cette consommation (référence des données Statista) consacrée aux professionnels (principalement poids lourds et utilitaires légers) bénéficie du remboursement de la TVA. Les mesures des différents partis politiques sont chiffrées par rapport au panorama énergétique 2021 (baril à 60 dollars, fiscalité normale) et non par rapport au panorama 2022 (excès de fiscalité lié à l’application de la TVA sur un prix HT beaucoup plus élevé avec un baril à 110 dollars et un euro à la parité).

NUPES : bloquer le prix des carburants

La Nouvelle Union populaire écologique et sociale propose de bloquer les prix des carburants à leur niveau de début 2021 : 1,30 € pour le diesel et 1,40 € pour le SP 95. L’idée n’est pas de baisser les taxes mais de faire payer les distributeurs et les compagnies pétrolières soupçonnées par l’extrême gauche de profiter honteusement de la flambée des prix. Dans leurs délires gauchistes, les Insoumis et leurs alliés de circonstance ont malheureusement oublié que ce ne sont ni TotalEnergies ni Engie qui décident des prix mais les marchés mondiaux. En bloquant les prix du SP 95 à 1,40 € et celui du diesel à 1,30 €, cela reviendrait à imposer aux distributeurs de vendre à perte. En dehors du fait que cela est interdit par le droit communautaire, quel industriel accepterait de vendre à perte ? Dès la promulgation de la loi, les pompes à essence se videraient instantanément ! La réponse serait donc… la pénurie généralisée. Oublions donc cette première idée qui n’a de toute façon aucune chance d’être retenue.

Rassemblement national : ramener la TVA de 20 % à 5,5 %

La proposition du Rassemblement national est de réduire la TVA de 20 % à 5,5 %. Dans les conditions actuelles, cela réduirait le prix du litre de 0,25 euro (le prix serait ramené à 1,85 €) et représenterait pour l’État un manque à gagner de 4,56 milliards d’euros (en référence aux taxes 2021, rappelons-le). Cette mesure a l’avantage d’être lisible et surtout simple à mettre en œuvre dans la mesure où elle s’applique à tout Français (mais aussi à tout véhicule étranger s’approvisionnant en France), quelle que soit sa condition. Son principal mérite est de fortement limiter le gain engrangé par l’État sur le dos des particuliers via l’accroissement de la TVA. En revanche, pérennisée dans le temps, cette mesure n’agirait pas comme un message climatique positif. Il faudrait au minimum l’amender par une possible augmentation de la TICPE (qui est une constante et donc indépendante du prix HT) en cas de baisse des prix.

Les Républicains : ramener le prix entre 1,70 € et 1,50 € en jouant sur la TVA et la TICPE

La proposition des Républicains est légèrement différente de celle du RN. Ils proposent de supprimer totalement la TVA sur la TICPE (« la taxe sur la taxe » est moralement inacceptable) puis de moduler périodiquement la TICPE pour ramener le prix du litre de carburant entre 1,70 € (fourchette haute) et 1,50 € (fourchette basse). Comme pour le RN, la mesure est simple à mettre en œuvre puisqu’elle s’applique à tous de façon indifférenciée. Elle a, pour le consommateur, l’avantage décisif de fixer un prix le protégeant des aléas du marché. En revanche, compte tenu des prix actuels, cela revient à concéder une réduction comprise entre 0,40 € et 0,60 € par litre (sur base d’un prix actuel de 2,10 €/litre), soit un manque à gagner très significatif pour l’État : entre 13,5 et 22,8 milliards d’euros (référence 2021). Une valeur de 1,80 €/litre paraît plus raisonnable, avec un manque à gagner de l’ordre de 8,8 milliards d’euros.

Majorité présidentielle : cibler les aides

La majorité présidentielle propose de cibler les aides en fonction de deux paramètres : le kilométrage annuel à vocation professionnelle et les ressources (avec un plafond de 1.800 euros par mois, selon nos sources). Le but est de limiter le manque à gagner des pouvoirs publics en canalisant les aides vers les plus précarisés. En revanche, les seuils sont toujours très critiquables dans la mesure où ils excluent des classes moyennes ayant pourtant beaucoup de difficulté à joindre les deux bouts. Technocratique, la mesure peut rapidement devenir une « usine à gaz » ouvrant la porte aux fausses déclarations et à la fraude.

Une convergence entre le projet des Républicains et du RN apparaît la meilleure solution : 1) supprimer la TVA sur la TICPE pour éviter cet insupportable ressenti de la taxe sur la taxe ; 2) la réduire à 5,5 % sur le prix HT pour limiter l’enrichissement de l’État quand les prix de l’énergie flambent ; 3) imposer un seuil raisonnable donnant davantage de visibilité aux Français (1,80 €/l paraît un bon compromis) à l’aide d’une TICPE flottante. Le coût d’une telle mesure (6,2 milliards d’euros) reste raisonnable et devrait contenter une grande majorité de nos concitoyens. Trop simple, probablement, pour être retenu par l’exécutif.

Philippe Charlez
Philippe Charlez
Chroniqueur à BV, ingénieur des Mines de l'École polytechnique de Mons (Belgique), docteur en physique de l'Institut de physique du globe de Paris, enseignant, expert énergies à l’institut Sapiens

Vos commentaires

2 commentaires

  1. Je suis de l’avis de MLP , baisser la TVA sur les carburants. Mesure simple efficace et qui touche tous les Français . Pas comme l’usine à gaz de Le Maire. 60 % de taxes sur le carburant c’est trop. Le Maire , avec son système oublie totalement ceux qui sont en retraite et qui vivent à la campagne . Pour eux , la voiture est indispensable à la vie de tout les jours, comme faire ses courses. Au final à la fin de l’année souvent deux à trois mille Kms.Ce gouvernement est déconnecté de la réalité.

  2. la TIPP flottante est la meilleure manière de réguler les tarifs des produits pétroliers que ce soit le gasoil, l’essence ou le fuel domestique mais macron aime bien l’utilisation de chèques à destination des manants, il se prend pour le seigneur qui distribue une aumône au bas peuple.

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