Joyau architectural consacré à la Vierge Marie, le monastère millénaire de Davidank est aussi le symbole du christianisme et de la culture arménienne. Juché à 1.100 mètres d’altitude, au-dessus de la route entre la capitale arménienne Erevan et Stepanakert, il est situé dans une zone cédée à l'Azerbaïdjan, suite au cessez-le-feu signé le 9 novembre. Considérés, désormais, comme vivant illégalement dans ce district, les Arméniens ont jusqu'au 25 novembre pour quitter la région.

Charles de Meyer et Benjamin Blanchard (respectivement président et directeur général de SOS Chrétiens d’Orient) redoutent, dans une tribune signée dans FigaroVox, les violations des droits de l'homme, « le pire étant à craindre de la dictature raciste et panturquiste d’Aliyev qui a récemment comparé les Arméniens à des chiens ». D’autant que, selon l’historien Gaël Nofri, « le but de l’Azerbaïdjan est de “désarméniser” le territoire du Haut-Karabagh et le cessez-feu est une première étape en vue de cet objectif ».

La mort dans l’âme, les Arméniens parcourent donc ce long et éprouvant voyage pour faire leurs adieux à leur sanctuaire orthodoxe, avant de quitter leurs maisons et fuir en exode dans le dénuement le plus total. « Les hommes et les femmes pleuraient et s'embrassaient. Les fidèles prenaient des photos des bâtiments du monastère, tandis que deux artistes réalisaient des tirages en argile d'anciennes inscriptions », écrit Jean-René Belliard sur son blog.

Craignant le saccage, le pillage, voire la destruction de leur patrimoine religieux par une population à majorité musulmane, les religieux du monastère ont descellé les croix et mis les cloches de l’église à l'abri. Mais il est un des piliers du monastère qui ne bougera pas, et dont la foi ne vacille pas malgré les menaces environnantes. Il s’agit du père Hovhannès Hovhannisyan, qui annonce, dans Le Point : « Je ne conçois pas de partir du monastère de Dadivank. » Ici, la présence chrétienne arménienne remonte à plusieurs siècles, cette fresque gravée à l’entrée de l’église l’atteste. Elle raconte « que les reliques de Tat ont été rapportées ici depuis Jérusalem, au IVe siècle, et confiées aux prêtres arméniens. » Solide comme un roc, le père Hovhannisyan prie, baptise, console, et embrasse une dernière fois ses fidèles. Il n’a pas peur de ce qu’il pourra arriver car « la foi me porte dans cette mission de conservation et préservation de notre histoire, de notre patrimoine culturel et religieux », témoigne-t-il.

Concernant l’avenir des lieux historiques et culturels du territoire du Haut-Karabakh, les inquiétudes demeurent. « Nous sommes actuellement dans l'incertitude quant au sort du patrimoine culturel de l'Artsakh » (nom arménien du Karabakh), annonçait, à l'AFP, Nariné Toukhinian, vice-ministre de l'Éducation, de la Science et de la Culture arménien, ajoutant : « Rien n'est dit à ce sujet dans l'accord de paix. Mais nous savons bien que nous avons affaire à ceux qui détestent tout ce qui est arménien. »

L’UNESCO ou l’Union européenne interviendront-elles pour donner un statut spécifique à ces lieux de culte ? À part dénoncer mollement la présence de terroristes dans les rangs azéris et appeler à un cessez-le-feu, la France et la communauté internationale n’ont pas soutenu l’Arménie face aux crimes contre les populations civiles ni à l’usage d’armes interdites. « Nous n’avons pas été à la hauteur. Pas à la hauteur du défi humanitaire, pas à la hauteur de l’atteinte aux droits de l’homme, pas à la hauteur des enjeux en matière de relations internationales, en matière de sécurité et de lutte contre l’islamisme », déplore Gaël Nofri. L’Arménie, qui a des liens forts avec la France et le christianisme, attendait beaucoup de nous. Saurons-nous nous rattraper en protégeant ces lieux millénaires sacrés ?

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19 novembre 2020 à 16:36

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