Un évêque ne devrait pas dire ça…
Lorsque Talleyrand entra en agonie, on dépêcha un prêtre pour lui administrer l’extrême onction. Sur son lit de mort, ce libertin jusqu’au bout des doigts eut alors cette parole extraordinaire : « N’oubliez pas que je suis évêque. » C’est donc les revers et non les paumes de ses mains que le prêtre devait oindre d’huile. Malgré des décennies passées en rupture avec l’Église et ses sacrements, le diable boiteux n’avait pas oublié sa dignité épiscopale. Réduit à l’état laïc, il n’en restait pas moins évêque et l’est pour l’éternité, si l’on en croit la doctrine catholique.
Évidemment, la dignité épiscopale ne se mesure pas à la qualité du tissu d’une soutane, quand elle est encore portée, à la finesse d’une dentelle de crochet ou à la beauté des ornements liturgiques. Néanmoins, si l’on a bien compris, l’Église est faite de signes visibles. Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’en faisant du misérabilisme depuis des décennies, nos évêques, dans leur grande majorité, ont fini par ressembler à des fonctionnaires de Courteline. Pas étonnant, alors, qu’ils soient traités en conséquence par ceux qui nous gouvernent. Globalement, dans la France de 2020, pour faire court, les généraux ressemblent encore à des généraux, les préfets à des préfets et les évêques à tout ce que vous voulez, mais pas à des évêques. De Gaulle écrivait : « L’autorité ne va pas sans prestige, ni le prestige sans l’éloignement. » Cela vaut pour le militaire, le politique mais aussi pour le religieux. À vouloir faire de la proximité, on a fait de la médiocrité. Le prestige s’est effondré et l’autorité ne dépasse guère l’enceinte des sacristies.
Ainsi, en septembre 2012, le cardinal-archevêque de Paris, Mgr André Vingt-Trois, au moment où l’on entrait dans le débat sur le mariage homosexuel, déclarait, dans La Croix : « Les contacts que nous avons notamment avec Mme Taubira peuvent être de nature à infléchir le contenu de ce projet de loi. » Effectivement, on vit bien l’inflexion... Le successeur de saint Denis, dans son costume sombre passe-muraille, fut reçu entre deux portes par Christiane Taubira : un entretien « pas très long », avait avoué le prélat dépositaire de dix-huit siècles de catholicisme parisien. Cinquante ans plus tôt, les cardinaux français se rendaient à l’Élysée en soutane et ceinture rouge et étaient reçus par son hôte avec toute la considération due à leurs rang et dignité… On rétorquera que la considération que l’on porte aux hiérarques de l’Église catholique est proportionnelle à son poids dans la société française. Pas que, je crois. Le dalaï-lama n'achète pas ses costumes à la CAMIF.
Quand un évêque s’exprime, certes pas du haut de sa chaire, du reste abandonnée depuis longtemps, mais depuis un studio de radio, comme l’a fait cette semaine l’archevêque de Paris, Mgr Michel Aupetit, au sujet de ces catholiques, majoritairement jeunes, qui demandent la messe, en les comparant, indirectement, à des vendeurs de shit - « ceux qui font leur petit business dans leur coin empêchent tous leurs frères de pouvoir assister à la messe » -, on devine plus de mépris que de bienveillance. Et l’on se dit qu’un évêque ne devrait pas dire ça ou, tout du moins, ne devrait pas dire ça comme ça. D'autant que par ce « petit business », l'épiscope entend le fait de recevoir la communion sur la langue. On a, d'ailleurs, du mal à croire que ce sont les paroles d’un évêque. Mais, au fond, tout cela n’est qu’un aspect anecdotique de ce lent et triste processus de banalisation, de fonctionnarisation, de vulgarisation (au sens le moins noble du terme), de désacralisation de la dignité épiscopale.
Excellentissimes et révérendissimes Seigneurs, n’oubliez pas que vous êtes évêques !
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