Pour prospérer, le Front national doit procéder à son aggiornamento

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Tous les sondages le prédisent : le Front national n’obtiendra, au mieux, qu’une poignée de députés. La reconduction de Gilbert Collard n’est pas assurée. Six autres candidats, en ballottage favorable, ont une chance de l’emporter au second tour : Marine Le Pen, José Évrard, Bruno Bilde et Ludovic Pajot dans le Pas-de-Calais, Sébastien Chenu dans le Nord et Emmanuelle Ménard dans l’Hérault.

Ils auront fort à faire pour gagner seuls contre tous, si leurs concurrents appellent à faire barrage au FN. Le prétendu front républicain est un stratagème hypocrite qui consiste à peindre des couleurs de l’intérêt national des ambitions personnelles pour s’offrir une facile victoire.

Ce qui rend la situation encore plus délicate pour le FN, c’est qu’il n’a pas réalisé le score qu’il pouvait attendre après le premier tour de la présidentielle. Même s’il obtient nationalement un pourcentage honorable, voire élevé dans bon nombre de circonscriptions, il accuse une grande perte d’électeurs par rapport au premier tour de la présidentielle. Beaucoup, notamment parmi les jeunes et dans les milieux populaires, se sont abstenus.

Cette abstention traduit probablement un découragement et un sentiment d’impuissance devant la poussée de Macron : à quoi bon se déplacer puisque – les médias l’ont suffisamment répété – il va gagner ! Pourtant, ce fatalisme devrait toucher dans une moindre proportion les sympathisants d’un parti qui a montré sa capacité à mobiliser.

C’est incontestablement le débat de l’entre-deux-tours qui les a démotivés. La présidente du Front national, sans doute mal conseillée ou épuisée par sa campagne, ne s’est pas montrée à la hauteur des attentes. Si ses adversaires en ont profité pour la dénigrer, cette prestation ratée a aussi jeté le trouble, parfois le doute, dans les rangs mêmes de son électorat.

De plus, le score relativement décevant du second tour, loin des 40 % espérés, a contribué à faire ressurgir des querelles internes qui étaient plus ou moins restées dans l’ombre. Le retrait de Marion Maréchal-Le Pen en est une conséquence, qui a laissé des séquelles chez ceux qui lui vouaient une grande admiration.

Toutes ces raisons expliquent que la dynamique se soit rompue à un moment où il était essentiel qu’elle se développât. Mais ce constat ne doit pas occulter le succès probable de plusieurs candidats soutenus par le Front national : succès d’autant plus méritoire qu’il aura été obtenu dans des duels et non dans des triangulaires.

Il reste que le Front national va devoir se refonder s’il veut prospérer. Il doit faire son aggiornamento, non pas pour renoncer à ses principes mais pour les perpétuer dans une conjoncture qui évolue. Notamment clarifier sa position sur l’Europe, les questions économiques et la sortie éventuelle de l’euro.

Il doit aussi apaiser les différends internes, aussi nuisibles au parti qu’à la crédibilité de sa présidente : on entend souvent critiquer Florian Philippot, mais c’est Marine Le Pen qui a choisi de suivre les orientations qu’il proposait.

Enfin – et surtout –, si le FN veut prospérer, il doit prendre davantage d’initiatives pour réunir autour de positions communes la droite hors les murs, les personnalités, les sympathisants patriotes qui ne se résolvent pas à la démarche attrape-tout d’Emmanuel Macron : naviguer à bâbord et à tribord pour donner le change, tout en gardant le cap qu’il s’est fixé.

Pour gouverner un jour, le FN doit rassembler tous ceux – ils sont nombreux parmi les Français – qui estiment que la politique ne consiste pas à discuter du sexe des anges ni à débattre de l’efficacité comparée de la TVA ou de la CSG. Il faut donner l’exemple d’une pensée cohérente, redonner vie aux valeurs humanistes contre une technocratie déshumanisante, définir une vision de la France qui donne envie d’aller de l’avant.

Philippe Kerlouan
Philippe Kerlouan
Chroniqueur à BV, écrivain, professeur en retraite

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