Ce n’est pas au Parlement, contraint de prolonger la plus longue session de son histoire, que le Premier ministre s’est rendu pour prononcer son discours, mais à la tribune du congrès des Conservateurs à Manchester. Loin des tonitruants « order! » (de l’ordre !) du « speaker » John Bercow (président de la Chambre des communes) se dressant pour calmer le jeu mais souvent taxé de partialité, Boris Johnson a pu goûter aux applaudissements chaleureux des siens. Face au Parti conservateur, il s’est présenté en défenseur des services publics qui ne sont jamais financés autrement que par la richesse développée par une économie capitaliste.

Revenant sur la cacophonie parlementaire, BoJo s’est lancé dans une comparaison hasardeuse qui a provoqué l’hilarité générale : « Si le Parlement était une émission de télé-réalité du genre “Je suis une célébrité… Sortez-moi de là !”, nous aurions tous été éliminés de la jungle. Mais au moins on aurait pu regarder le “speaker” contraint de manger un testicule de kangourou. »

La diversité de la presse quotidienne du Royaume-Uni, qui tranche avec l’aspect monolithique des médias français, permet au Britannique de se faire sa propre idée. Arthur Scargill, chef des mineurs grévistes dans les années 80, se retrouve derrière Boris Johnson pour défendre le Brexit, alors que Sir Nicholas Soames, le petit-fils de Churchill, se retrouve parmi ses plus dévoués saboteurs, choix cornéliens de son frère cadet Jo, de sa sœur Rachel. Mais BoJo, invoquant sa mère - « autorité suprême dans [sa] famille » -, a lancé à l’adresse de ceux qui scrutent les divisions chez les Johnson : « J’ai gardé un as dans ma manche, ma mère a voté pour la sortie de l’Union européenne » lors du référendum. Sa mère, Charlotte, artiste-peintre, qui lui a aussi enseigné que tout être humain avait de l’importance sur cette Terre, ce qu’illustrerait pour lui l’égal accès aux meilleurs soins (National Health Service) permis par la prospérité économique britannique.

Une lettre à en-tête du 10 Downing Street est partie pour Bruxelles à l’attention du président de l’Union européenne Jean-Claude Juncker. Proposition de six pages pour un nouveau Brexit négocié, baptisé « deux frontières pour quatre ans », le plan propose de remplacer le « backstop » (filet de sécurité) du précédent accord négocié par Theresa May avec l'Union européenne mais rejeté par Westminster. L'Irlande du Nord appartiendrait à la même zone douanière que la Grande-Bretagne, une exigence-clé du Parti unioniste démocrate. Néanmoins, la province britannique conserverait les réglementations de l'Union européenne pour tous les biens, y compris agricoles, pendant une période de transition de quatre ans, qui pourra être renouvelée si l'Irlande du Nord le souhaite. Des contrôles douaniers s’exerceraient sans frontière physique - hors de question de remettre en cause les accords de paix de 1998.

C’est « un compromis de la part du Royaume-Uni, j'espère que nos amis européens en auront conscience et seront disposés à parvenir à un compromis à leur tour », a-t-il averti. Si Bruxelles ne saisit pas cette offre, il mettrait un terme aux négociations et le Royaume-Uni sortirait de l'Union européenne sans accord au 31 octobre.

La Commission européenne a réagi, estimant que le texte comprenait « des points positifs ». Cependant, Bruxelles a ajouté que « quelques points nécessiteront des travaux supplémentaires, notamment en ce qui concerne le “backstop” ».

Le discours de la reine du 14 octobre présentera le programme du Premier ministre et ouvrira une nouvelle session. La demande du report de la sortie qui devrait se faire samedi 19 est à la merci d’un veto hongrois, voire de Macron qui en a fait la menace ? Les Britanniques derrière Boris Johnson veulent quitter l’Union européenne pour Halloween. « Préparez-vous au Brexit » n’est peut-être pas qu’un slogan de campagne d’information.

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11 octobre 2019 à 15:22

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