En Provence-Alpes-Côte d'Azur, Renaud Muselier, tête de liste des Républicains, joue les équilibristes, mais on sait déjà de quel côté il tombera. « Il n'y aura pas d'accord d'appareil » avec les Marcheurs, répète-t-il, mais « le bon sens voudrait que la majorité présidentielle m'apporte son soutien ». Le père Tout-à-Tous, brocardé par Voltaire dans L'Ingénu, n'aurait pas dit mieux. Éric Ciotti, qui n'est ni jésuite ni ingénu, refuse fermement tout rapprochement avec la Macronie. Il vient de s'expliquer dans un entretien publié par Valeurs actuelles.

« Ma position est très claire, on ne peut pas s’allier avec un parti que l’on combat et qui a beaucoup abîmé notre pays. » Voilà, en effet, une position bien tranchée qui détonne dans le concert équivoque joué par Christian Estrosi, Renaud Muselier et une partie des cadres de leur parti. Il faut reconnaître que le député des Alpes-Maritimes est constant dans sa condamnation du laxisme gouvernemental en matière de sécurité et d'immigration et qu'on ne peut l'accuser de tenir un double discours. Ira-t-il jusqu'à soutenir la liste de Thierry Mariani si les Républicains s'allient aux macroniens ?

C'est un pas qu'il ne semble pas près de franchir. Certes, dans le même entretien, il déclare « [trouver] absurde que lorsque le RN dit qu’il pleut, la bien-pensance dit qu’il fait soleil ». Aux électeurs LR qui seraient tentés de voter Marine Le Pen en 2022, il assure également les respecter et comprendre leur colère, mais il ajoute : « Je veux leur dire aussi que voter Le Pen au premier tour, c’est quasi certainement assurer l’élection de Macron au second. » Et de conclure : « Ce qui nous différencie globalement du Rassemblement national, c’est notre capacité à gouverner. » Un peu court quand on sait que, dans les municipalités acquises en 2014, les maires RN ont été facilement réélus.

Éric Ciotti semble s'approprier, lui aussi, la casuistique du père Tout-à-Tous, mais en sens inverse : il est ambigu dans son attitude à l'égard, non de La République en marche, mais du Rassemblement national. Dans tous les cas, cette affaire révèle, comme le note Valeurs actuelles, que le parti LR est « scindé entre les partisans d’un rapprochement avec La République en marche et les tenants d’une ligne fermement démarquée ». Éric Ciotti est lucide quand il déclare « Je suis un ardent partisan de notre identité, si nous ne la défendons pas, nous allons disparaître », mais il devrait aller jusqu'au bout de son raisonnement.

Les Républicains, qui se cherchent un candidat présidentiel, feraient bien de s'interroger sur leur stratégie au second tour, en cas d'un nouveau duel entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen. En la définissant, même s'ils excluent cette hypothèse, ils risqueraient sans doute de perdre une partie de leurs troupes, mais au moins auraient-ils l'avantage d'être clairs. Ils sont assis entre deux chaises, mais ne pourront pas longtemps rester dans cette situation inconfortable, sauf à finir par se retrouver par terre. Leur impuissance vient de leur incapacité à faire un choix : leurs électeurs pourraient bien le faire sans eux.

La leçon vaut pour tous les candidats, déclarés ou tentés par l'aventure, qui se réclament de la droite souverainiste. Ils seraient plus inspirés de s'entendre sur un programme commun avec le candidat le mieux placé pour battre Macron que de céder aux séductions du narcissisme et de la vanité. Faute de quoi, ils feront le jeu de leur adversaire et pourraient bien se retrouver tous ensemble Gros-Jean comme devant.

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01 mai 2021 à 15:39

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