[Point de vue] Pénuries : Macron Président décroissant, impuissant et anxiogène

macron

On n'a peut-être pas encore mesuré l'ampleur du grand renversement que constitue la fin de l'abondance décrétée par Emmanuel Macron, il y a un mois. Et qui s'est déclinée, cette semaine, par la présentation lunaire du plan de sobriété du gouvernement par Élisabeth Borne, plan qui a déjà fait « pschitt », comme le reconnaît Hervé Gattegno dans Le point. Autrefois, le politique présentait des plans d'action, de production, d'investissement. Désormais, notre triade Macron-Borne-Le Maire, et tous les autres demi-dieux du macronisme, ont ravalé l'action politique à une vague sagesse stoïcienne, si l'on est gentil, ou à des conseils de mémés qui ont connu la guerre (elles me pardonneront). Le macronisme se mue en philosophie du col roulé.

Ce qui frappe, dans cette évolution du courant politique qui s'est autoproclamé « du progrès », c'est paradoxalement l'absence de perspective, de « grand dessein », comme on disait avant, de « projet », comme il le hurlait pourtant en 2017. Même par rapport à la crise du Covid, il y a régression : face à l'adversité, Emmanuel Macron avait alors mis en avant sa confiance dans la science, le vaccin, renouant avec une certaine tradition française. Face à la crise actuelle, le macronisme est en panne sèche, point mort. Comme si nous étions condamnés à un destin à la Annie Ernaux, entre fin de la littérature, déglingue sociale et manif du 16 octobre avec Mélenchon.

Or, cette semaine, la France a été couronnée par un autre Nobel : Alain Aspect, en physique quantique. Ce que la France a toujours fait de mieux : milieu enseignant de province, ENS Cachan, Orsay, etc. Un parcours qui vaut largement celui d'Annie Ernaux, au passage. Et voilà que ce Nobel que l'on dit aussi modeste que charismatique vient de confier au Monde une des clefs de l'avenir, la boussole perdue du macronisme : « Mes parents instituteurs m’ont élevé dans la foi qu’il faut travailler, et que la science fait partie du progrès. Conviction que je répète aujourd’hui : on ne résoudra pas la crise climatique sans la science. »

Tout ce que semblent oublier le macronisme et son chef, qui ne jurent plus que par l'infantilisation, la culpabilisation, les rustines. Et ce rabougrissement du macronisme et de l'action politique à l'immédiat, à la survie de la fin du mois et du comment-passer-l'hiver, outre l'anxiété permanente qu'il génère, constitue une faute politique.

Pour Marian Tupy, chercheur libéral interrogé par L'express cette semaine, Emmanuel Macron commet surtout une erreur économique et presque anthropologique. Sa thèse choc, à rebrousse-poil complet de la fin de l'abondance macronienne, affirme au contraire que nous sommes dans une période de « superabondance » et que la démographie n'est pas un adversaire mais un allié pour créer de la richesse : « Ce qui nous inquiète, c'est que si le sentiment d'apocalypse environnemental s'enracine dans la société et que les gens font moins d'enfants par peur de la fin du monde, nous allons vivre un effondrement de population qui va entraîner une baisse de la croissance - il y aura moins d'inventions et in fine moins de moyens de lutter contre le changement climatique. »

Au passage, l'essayiste renvoie Macron à ses propres erreurs politiques qui ont créé la pénurie actuelle, par exemple sur le nucléaire : « L'idée de Macron selon laquelle l'abondance serait finie n'a ainsi pas de fondement. Cette fin de l'abondance pourrait arriver du fait de décisions politiques, mais non pas du fait des limitations de l'ingéniosité humaine à trouver des solutions. »

En faisant porter la responsabilité des pénuries actuelles sur un changement de paradigme et sur l'irresponsabilité des Français, Emmanuel Macron a pris le risque d'accroître leur rancœur à son égard. Non seulement ils ne sont pas dupes de ce rideau de fumée destiné à masquer ses propres responsabilités, mais ils sont en droit de lui reprocher aussi son incapacité à inventer l'avenir. En endossant l'habit du Président décroissant, Emmanuel Macron montre qu'il est défaillant en tant que gestionnaire du moment et de l'avenir de la France et des Français. Lourd passif pour celui qui, disent certains, se rêverait déjà réélu en 2032...

Frédéric Sirgant
Frédéric Sirgant
Chroniqueur à BV, professeur d'Histoire

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