Le 20 janvier dernier, lors de l’investiture de Joe Biden, la poétesse afro-américaine Amanda Gorman fut choisie par Jill Biden pour lire un de ses poèmes. Grâce à une médiatisation très élaborée, la jeune poétesse, diplômée de Harvard, s’est vue propulsée dans la galaxie progressiste mondiale, où elle n’était pourtant pas une inconnue. Selon Le Figaro Madame, elle fut reçue en son temps par le couple Obama à la Maison-Blanche pour une lecture devant Al Gore et Hillary Clinton. Le couple Biden, après la parenthèse Trump, reprend donc les bonnes vieilles habitudes démocrates et progressistes.

Ce texte d’Amanda Gorman reprend les thèmes chers à la gauche mondiale : les migrants, le racisme, les inégalités. Il n’en fallait pas plus pour que, passée l’heure de la pâle Greta, la carrière de la jeune femme soit lancée comme un produit marketing juteux : le serre-tête rouge siglé Prada arboré lors de l’investiture de Joe Biden est en rupture de stock, la jeune fille a signé un contrat avec une agence de mannequins, ses livres en prévente sur Amazon atteignent des records et les droits de traduction de ses poèmes affolent les maisons d’édition du monde entier.

Aux Pays-Bas, la maison d’édition Meulenhoff choisit Marieke Lucas Rijneveld, écrivain qui, en 2020, a remporté l’International Man Booker Prize.

Qui est-elle ? Un article du Monde fournit quelques indices : « Née fille, "tendance garçon manqué", selon ses propres termes, elle n’a jamais formellement changé de sexe mais oscille "entre Marieke et Lucas" ». Sa notice Wikipédia nous assure qu’elle est « une personne écrivaine et poétesse néerlandaise non binaire », tandis qu’elle affirme au journal Volkskrant : « Je me sens à la fois garçon et fille, un homme entre les deux. »

Bref, elle cochait toutes les bonnes cases des délires progressistes de notre époque, où la transgression est ce qu’il y a de plus conformiste : rien de mieux pour démultiplier l’effet « Amanda Gorman ».

Seulement, voilà, Marieke Rijneveld est… blanche ! Blonde, qui plus est ; nordique, quoi ! Alors, ça ne peut pas coller. La supposée compétence de la jeune femme ne tient pas une seconde devant le fait qu’elle ne soit pas noire. La militante noire Janice Deul déplore « un choix incompréhensible ». Selon elle, les œuvres d’Amanda Gorman « sont colorés par ses expériences et son identité de femme noire. N'est-ce pas - pourrait-on dire - une occasion manquée de choisir Marieke Lucas Rijneveld pour ce travail ? » Le néo-racisme des militants antiracistes est désormais sans limite : on voudrait créer un apartheid littéraire qu’on ne s’y prendrait pas autrement. À cela, les Éditions Meulenhoff ont, selon Le Figaro Madame, répondu que « le fait qu'Amanda Gorman et son équipe aient immédiatement répondu positivement à notre proposition nous a confirmé que nous avions trouvé la traductrice idéale en Marieke Lucas Rijneveld ». Cette dernière « est attachée aux questions de l'égalité des sexes et de la résilience, et nous reconnaissons en elle la passion et la lutte pour une société inclusive ».

Ils n’ont tout simplement pas compris qu’ils avaient, dans la longue litanie des délires progressistes, un train de retard.

Dans Le Point, l’écrivain et éditeur René de Ceccatty n’en revient toujours pas. Avec un certain bon sens, il s’insurge : « L'opportunisme venu de la bien-pensance de la diversité n'est pas une chose entièrement sincère. […] On en arrive à une totale absurdité et à une ghettoïsation des sensibilités. La grande littérature ne souffre aucune détermination. »

Aujourd’hui, comme dit excellemment Pascal Bruckner, « la seule identité encore autorisée pour les Blancs est l’identité de contrition ».

Et pour cela, il faudrait qu’ils se taisent à jamais ?

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05 mars 2021 à 10:00

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