Parlement européen : un peu de justice et d’honnêteté, serait-ce trop demander ?

Le Polonais Ryszard Czarnecki (PiS) occupait, jusqu’à mercredi, une vice-présidence du Parlement européen après avoir été choisi à ce poste par son groupe Conservateur et réformistes européens.

Seulement les présidents de quatre autres groupes politiques du Parlement européen avaient demandé sa destitution. Il s’agissait de Manfred Weber (PPE, groupe dont font partie Les Républicains), Gianni Pittella (socialistes), Philippe Lamberts (Verts) et Guy Verhofstadt (Libéraux). Ce qui avait déplu à ces quatre politiciens, c’était une déclaration de Czarnecki pour le site Internet polonais Niezalezna.pl. Il avait comparé sa compatriote, l’eurodéputée libérale Róża Thun (lire "Rouja Toune"), aux collabos polonais qui dénonçaient des Juifs pendant la guerre ("szmalcownik" en polonais, un mot très méprisant) : "Pendant la Deuxième Guerre mondiale, nous avions les collabos, et aujourd’hui, nous avons Róża von Thun und Hohenstein." Czarnecki avait utilisé le nom complet de la députée, qu’elle tient de son mari allemand.

Pourquoi cette comparaison ? Parce que Róża Thun, après avoir fait partie des six députés polonais à demander des sanctions contre leur propre pays lors de l’adoption d’une résolution sur la Pologne par le Parlement européen en novembre, était apparue comme héroïne d’un film de propagande anti-PiS tourné par la télévision Arte Allemagne. Dans ce film, la députée libérale ne mâche pas non plus ses mots pour présenter son pays, sous la direction des conservateurs polonais, comme une véritable dictature. Le documentaire d’Arte contient, en outre, plusieurs mensonges et manipulations décrits sur le site de l’Observatoire du journalisme.

Quoi que l’on pense du comportement de Róża Thun, la comparaison de Ryszard Czarnecki était plutôt osée. Ce que fait Mme Thun contre son pays n’est tout de même pas la même chose que de dénoncer des compatriotes juifs à l’occupant nazi. Pendant la guerre, l’État clandestin polonais condamnait à mort et exécutait de tels collabos. La comparaison était donc très forte et condamnable, mais elle a été dite en Pologne, pour un média polonais, et non pas dans l’enceinte du Parlement européen.

C’est donc une première : le Parlement européen sanctionne un de ses membres pour des propos tenus dans le cadre du débat politique à l’intérieur de son pays. N’étant pas certains d’obtenir la majorité des deux tiers nécessaire, les députés ont, en outre, d’abord modifié par un vote le règlement du Parlement européen. Ils ont ainsi décidé que le vote sur la destitution serait secret et que les abstentions ne seraient pas prises en compte - ce qui est inédit. Avec 447 voix favorables à la destitution de Czarnecki de son poste de vice-président, et 196 votes contre, le Parlement européen est donc parvenu à ses fins, mais uniquement parce que les 30 abstentions n’ont pas été comptées.

Par ailleurs, un des instigateurs de cet acte antidémocratique est le Belge Guy Verhofstadt. Celui-ci avait traité, au Parlement européen, les dizaines de milliers de participants à la grande manifestation patriotique du 11 novembre à Varsovie de fascistes, néonazis et suprémacistes blancs. Ces insultes à caractère diffamatoire – et donc plus graves que celles de Czarnecki – lui valent plusieurs poursuites en diffamation, comme celle du patriote polonais Aondo-Akaa, un handicapé de peau noire (de père nigérian) qui y était et qui n’a pas apprécié. En revanche, le Parlement européen n’a pas destitué cet ancien Premier ministre belge de son poste de représentant du Parlement européen dans les négociations sur la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne.

Il est donc interdit de comparer, dans une interview, une députée polonaise aux collabos de la Deuxième Guerre mondiale, mais pas de traiter, à la tribune du Parlement européen, des dizaines de milliers de participants à une manifestation pacifique et légale de néonazis.

Olivier Bault
Olivier Bault
Directeur de la communication de l'Institut Ordo Iuris

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