Révérence gardée, Benoît XVI est le poil à gratter du Vatican. Théologien, il savait que l’Église latine, née à Rome du martyre de Pierre et de Paul, s’ancrait dans la Tradition. D’où le choix de son prénom. Et c’est de celui qu’il voyait comme « son grand-père » que le pape François, à peine plus jeune que son aïeul, ce pape François si accueillant aux homos, aux divorcés remariés, aux migrants, se débarrasse, d’un seul coup d’un seul ! Dans un motu proprio appelé - quelle ironie ! - Traditionis custodes, le souverain pontife, « >inquiet », écrit-il, non pas d’un rite amazonien, assène un grand coup sur les communautés attachées à l’ancien Ordo ! Finie, « la parenthèse miséricordieuse » de Benoît XVI ! Finis les tradis ! Fini le latin. Fini tout.

Un motu proprio ? Non, un coup de Trafalgar. Car, enfin, quelle menace fait peser sur l’Église le rite selon Pie V quand il existe un rite ambrosien, mozarabe, dominicain et même zaïrois ? Comme on est loin des paroles de Benoît XVI commentant son motu proprio : « Nul n’est de trop dans l’Église. Chacun doit s’y sentir chez lui et jamais rejeté ! » Le motu proprio du pape François remet en cause le statut canonique de la messe selon Pie V ainsi que le latin comme langue vivante de l’Église. Alors que les encycliques sont en latin, mis à part les deux dernières dont Laudato si', le motu proprio est publié en anglais. Alors, le latin, langue morte ?

Passée l’incompréhension, la résistance s’organise. Sur la Toile, des jeunes du monde entier adressent des messages au pape. Les évêques accusent le coup de pied de la mule tout en affirmant, pour la grande majorité, leur soutien aux « derniers des Mohicans. » Du coup, ce motu proprio, en liquidant l’héritage de Jean-Paul II et de Benoît XVI, réveille les consciences endormies. Le mérite des tradis, en effet, n’est-il pas de montrer les dérives dogmatiques bien réelles, elles, qui menacent l’unité de l’Église ? Le pape lui-même voit-il que le troupeau devenu exsangue, en Europe, a profité du Covid pour ne plus revenir à l’Église, se dispensant du denier du culte ? Dans ces conditions, pousser certaines brebis vers la sortie n’est guère habile ni miséricordieux. Le concile Vatican II ne doit pas redevenir source de division.

Un schisme n’aura pas lieu pour la bonne raison que ce motu proprio ne correspond pas à la réalité vivante et missionnaire des communautés. Mieux : si ce document signait l’échec du projet progressiste dont l’entourage du pape est porteur depuis des années ? Certes, ce motu proprio ne concerne pas que l’Europe mais il la concerne en premier. Beaucoup croient que l’Église catholique « traditionnelle » romaine est finie, sur l’air « Du passé faisons table rase ». Benoît XVI savait que l’Europe est non pas l’Ève aux seins flétris de Masaccio mais la brebis défaillante à secourir. « Fluctuat nec mergitur » : la devise de Paris pourrait être celle de la barque de Pierre. Et si ce motu proprio était l’occasion, pour l’Église, de sortir la tête hors de l’eau ?

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24 juillet 2021 à 19:12

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