Il était devenu une institution, avec tout ce que cela comporte d'ambiguïté. Éditorialiste politique inamovible des matins sur RTL, il reçut la consécration en ayant sa marionnette dans Les Guignols de l'info, qui lui ont rendu hommage sur Twitter à l'annonce de sa mort dans sa 91e année.

Avec pour binôme Serge July et un Mitterrand qui aurait demandé sa tête, en 1982, à Jacques Rigaud, cela faisait de Philippe Alexandre le symbole même de l'éditorialiste de droite. Précisons : de la droite de 1969 à 1996, de Pompidou à Chirac, et de cette droite qui se croyait éternelle. Mais avant tout bien-pensante et cogérante du pays. D'où les émissions télé auxquelles il participa dans les années 1990, toujours avec Serge July, mais aussi Michèle Cotta et Christine Ockrent... C'est bien cela, une droite faire-valoir de la gauche. Les nécrologies parlent de ces chroniques acerbes, Emmanuel Macron évoque « une plume féroce, un enquêteur implacable, une voix libre ». Un peu plus que la très grande majorité, certainement, mais une droite tellement dans les murs.

Alors, sur Mitterrand ? « Mitterrand était un converti au socialisme et les convertis sont les pires. » Et puis son dernier éditorial sur le Président socialiste « Mort d'un Dom Juan ». L'intéressé devait en fait apprécier. Sur Martine Aubry : « Tout Martine Aubry est là : une incapacité physiologique à reconnaître ses lacunes, ses erreurs, ses défaillances. » Une phrase qui n'éviterait peut-être pas le procès aujourd'hui.

Philippe Alexandre était en fait l'un des rares fous du roi que la gauche acceptait. De là à en faire un « mi-Saint-Simon mi-Mauriac », comme Yves Thréard dans Le Figaro, il y a un pas hasardeux. Autant pour le style que pour la conscience historique. Si la Ve République Mitterrand-Chirac avait continué son train-train, oui, Philippe Alexandre pourrait demeurer comme cet « éditorialiste féroce » auquel feint de croire Emmanuel Macron. Et c'est certainement ce que persiste à croire la génération boomeuse pour qui Philippe Alexandre était une voix familière.

Sauf qu'aujourd'hui, les éditorialistes de droite se nomment Yvan Rioufol, Gabrielle Cluzel, Marc Baudriller, Geoffroy Lejeune, Charlotte d'Ornellas et j'en passe. Et l'on ne peut pas dire qu'ils sont les héritiers de Philippe Alexandre. Mieux : cette présidentielle a vu la transformation d'un véritable éditorialiste de droite en véritable homme politique de droite. Et, quoi qu'on pense de l'homme, de l'aventure et de l'échec d'Éric Zemmour, c'est un fait politique et journalistique majeur.

Les temps ont changé, pour la droite comme pour l'irrévérence en politique : la gauche ne les tolérant décidément pas, elles ont pris le maquis. Et les enjeux actuels pour la France et les Français méritent (et méritaient ?) mieux qu'une conversation de bistrot chez les Guignols autour de Christine Ockrent, une caricature qui visait en fait juste.

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01 novembre 2022 à 15:48

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7 commentaires

  1. Autre chose, ‘allons pas trop vite avant de parler de « l’aventure et de l’échec » d’Eric Zemmour. Cette aventure c’est l’image tragique d’une France qui tombe et désespère, cet échec, s’il devait être définitif signifierait à plus ou moins brève échéance la soumission et le déclassement de la France. Prions pour que les Français finissent par comprendre que ce n’est pas avec de la politique politicienne que l’on combattra le péril islamo-gauchiste et l’avachissement de Bruxelles que l’on redressera le Pays et que nous pourrons rester Français en France.

    1. D’accord, d’autant plus que le Z au premier tour de la présidentielle à fait mieux que beaucoup que des partis implantés depuis longtemps. Mieux que le PS, mieux que LR, et mieux que les Verts de gris.
      Ses thèmes ont imprégné et sont en plein dans l’actualité.
      Alors qui où est l’échec ?

    2. Très bien vu et je parirais que la messe est loin d’être dite. Sans doute E.Zemmour n’est-il pas encore représenté à l’assemblée où autre figurants de la République mais il est bien présent dans l’esprit de nombreux citoyens, enfin ceux qui le sont encore. Les autres sont déjà des Dhimis de l’Europe, de Von der Leyen et par conséquent de l’Allemagne. Et c’est alors que l’on découvre que sur le long terme ce n’est pas le monde libre, dont faisait partie la France, qui a gagné la dernière guerre mondiale mais l’Allemagne vaincue et les financiers avide de toujours plus.

  2. Il savait écrire, il savait parler, il n’avait pas sa langue dans sa poche, il connaissait la politique et le monde de la politique. Et puis il a taillé un magnifique costard sur mesure à Martine Aubry. Une droite convenue comme ça, il y a des jours où l’on serait bien content de l’avoir. Quant à « une incapacité physiologique à reconnaître ses lacunes, ses erreurs, ses défaillances » c’est la définition parfaite de LAREM avant l’heure. Enfin presque, il manque le mensonge.

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