Monique, Josette, Gilberte : les oubliées des urgences 

urgences

La crise de l’hôpital public n’en finit pas. Pénurie de personnel, manque de moyens, saturation des services, surmenage… Face à cette situation tendue, les soignants n’ont souvent d’autre choix que trier les patients selon leur âge ou l’apparente gravité de leur pathologie. Au risque, parfois, d’oublier certains malades dans les couloir des urgences…

Ces octogénaires laissés sur leur brancard

48 heures sur un brancard. Monique, 88 ans, garde les séquelles de son passage aux urgences du Grand Hôpital de l’Est francilien (Ghef) à Jossigny (Seine-et-Marne). Admise en état de fatigue extrême, l’octogénaire attend « deux jours et deux nuits », selon son fils, sur un brancard. Le médecin, qu’on lui promet à son arrivée, ne passera finalement que le lendemain après-midi. En attendant, la patiente, livrée à elle-même, n’est ni hydratée ni nourrie – dans le cas où une opération serait nécessaire, justifie l’hôpital auprès du Parisien. La nuit, le va-et-vient incessant des urgences l’empêche de dormir. Si les premiers bilans et examens sont réalisés, Monique, faute de lits, est contrainte de rester sur son brancard pendant plus de deux jours. Conséquence : l’octogénaire sort « encore plus extenuée » des urgences. Un an plus tôt, Gilberte, 96 ans, en situation de décompression cardiaque, avait, de son côté, patienté 30 heures aux urgences.

Mais il arrive que l’interminable attente dans les couloirs des urgences vire au drame. Jeudi 5 janvier, un octogénaire, admis aux urgences de Besançon (Doubs) pour des douleurs abdominales, décède sur son brancard après 18 heures d’attente. Quelques jours plus tôt, dans le Val-d’Oise, Josette, 83 ans, meurt après avoir attendu 44 heures allongée sur un brancard. Admise pour des problèmes d’oxygénation, la patiente est laissée dans les couloirs, sans couverture. Il faut attendre 24 heures pour qu’un premier médecin vienne à son chevet. Quelques heures plus tard, le diagnostic tombe : l’octogénaire souffre d’une infection urinaire, de déshydratation, d’une insuffisance rénale et d’œdèmes aux membres inférieurs. Mais faute de place en service de gériatrie aiguë, la patiente est replacée dans les couloirs puis finalement renvoyée vers son EHPAD. Traumatisée par ces 44 heures passées aux urgences, Josette refuse de s’alimenter et décède quelques jours plus tard. Révoltée, sa fille, Marie-Pierre, décide de porter plainte contre l’hôpital pour « délaissement d’une personne hors d’état de se protéger ». Comme Josette, Achata, 79 ans, admise pour détresse respiratoire en octobre dernier, décède aux urgences après avoir attendu plus de six heures pour être prise en charge.

Renforcer les effectifs

Ces cas sont malheureusement nombreux. « Tous les jours, nous sommes confrontés à ces choix insupportables, à ces situations insolvables d’une responsabilité démesurée, faute de moyen et face à un système défaillant où on laisse les urgentistes répondre seuls là où tous les autres ont fermé la porte », alerte SAMU Urgences de France, le syndicat des professionnels de médecine d’urgence. Confrontés à une situation critique, ces professionnels de santé décident de déclarer les « morts inattendues » dénombrées dans les activités d’urgence (attente, manque de soins…). En décembre 2022, 32 décès inattendus ont été comptabilisés sur 21 départements. Sur les quinze premiers jours de janvier, le syndicat comptait déjà huit morts inattendues.

Pour répondre à cette crise, les sénateurs ont adopté, contre l’avis du gouvernement, un texte pour fixer un nombre minimal de soignants par patient. Avec une telle mesure, « l’hôpital redeviendra plus attractif pour les soignants », assure un collectif de patients et médecins, dans les colonnes du Monde. L’hôpital redevenu attractif pourra ainsi peut-être espérer renforcer ses effectifs. Mais un long chemin reste à parcourir et une importante réforme s’avère nécessaire pour répondre à la crise actuelle.

Clémence de Longraye
Clémence de Longraye
Journaliste à BV

Vos commentaires

53 commentaires

  1. C’est moins contre les hôpitaux qu’il faut porter plainte que contre ceux qui détruise la santé publique par les politiques mises en œuvre.

  2. Pour la considération envers les personnes âgées, il n’y a qu’à regarder comment elles sont traitées dans les EHPAD.
    C’est un véritable scandale, et quand je pense que le grand âge me concernera peut-être un jour, l’en frémis à l’avance!
    Nous devons aussi nous battre pour notre avenir de vieillard!

  3. 2 jours ou plus sans soins, mais alors que veut dire le mot URGENCES ? Monsieur le président ne serait il pas temps de s’attaquer au problème d’urgence justement ? Ou préférez vous des procès pour non assistance aux personnes en danger ? Ou serait ce une façon n’accélérer la destruction d’une civilisation ? Cela pourrait conduire à une révolution aussi, faites attention !

  4. C’est bien de fixer un nombre minimal de soignants par patient, mais encore faudrait il en former. Les sénateurs mettent la charrue avant les boeufs, car que va t’il se passer si ce n’est la fermeture d’hôpitaux?

  5. Une des causes que l’on a tendance à omettre concernant la crise des urgences, c’est la mainmise des syndicats. Ceci, principalement de la CGT qui est source de désordres, pénuries, chagrin et autres… J’ai, dans ma vie, constaté cela personnellement à plusieurs reprises. J’ai même tenté des actions en demande d’enquête administrative ; bien entendu sans succès.

  6. C’est à se demander si cette situation n’est pas voulue par nos DIRIGEANTS qui ONT TOUS LES POUVOIRS pour résoudre la surpopulation.

    • Les « 35 Heures » ont bon dos ! … Vous devriez aussi dénoncer la mise en place de la T2A de sarkozy .. sans surtout oublier de signaler les coucous administratifs qui sévices dans les ARS de tous niveaux …
      Sans non plus omettre de dénoncer la volonté criante des « politiques » de démolition du système de Santé public …
      Et je ne défends pas « la gooche » totalement en déconnection de son pseudo idéal depuis bien longtemps ! …

  7. sauf que faute de soignants on ferme des services, à l’hôpital du Blanc dans l’Indre, après avoir supprimé le service maternité, supprimé le service cardiologie, il va être supprimé les service des soins continu, les patients auront 65 kilomètres à faire pour se faire hospitaliser, Châteauroux et Poitiers étant à distance équivalente. Le paradoxe, c’est que pratiquement dans la cour de l’hôpital il y a l’école des infirmiers et infirmières, quelle vision ont ces futurs soignants, ils se forment et à 100 mètres on ferme des services.

  8. Ma longue pratique professionnelle m’a conduit à observer les méfaits de la politique d’hospitalo-centrisme pratiquée inlassablement par la Sécu et le gouvernement depuis 40 ans : les petites urgences, sutures, plâtres, ont été peu à peu interdites dans les cabinets privés, puis rassemblées à l’hôpital public (interdites aux cliniques, même si équipées) Les pompiers étaient incités à transporter les victimes à l’hôpital public, même s’ils devaient contourner une clinique proche au passage. Résultat prévisible : Congestion, suradministration, gratuité proclamée (c’est pas comme ces voleurs de médecins privés), élargissement sans limite de la notion d’urgence. épuisement du personnel dans des tâches non urgentes, telles que les fiches électroniques. « Dieu se rit des hommes qui déplorent les effets dont ils chérissent les causes » (Bossuet).

  9. Et pendant ce temps, on livre des canons à un peuple d’antisémites pour une guerre idéologique qui n’est pas la notre.

      • Très bonne question , cette corrompue est illégitime car non élue , elle impose , s’empare sans arrêt de notre souveraineté sans un murmure de nos dirigeants , elle fait ce qu’elle veut et nous mettre en guerre aussi , elle peut le faire .

  10. Et si les urgences étaient effectivement réservées aux Urgences, et si les médecins de familles étaient rétablis et se déplaçaient, et si……..

    • Exact, les médecins généralistes, 4 jours par semaine et plus de visite à domicile !! vive Docto lib !!!

    • C’est ce que je disais dans l’article précédent. De mon temps…les urgences étaient réservées aux « urgences » triées par le médecin, souvent « de famille » ou amenés en « urgence » à l’hôpital par le SAMU ou les pompiers. Tout le système de santé est à revoir, et il y a du travail!

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