« Dans le monde du numérique, tout est falsifiable ! »
L'affaire du piratage des données de cinquante millions d'utilisateurs Facebook par la société Cambridge Analytica fait couler beaucoup d'encre.
Pour Xavier Raufer, spécialiste en géopolitique et criminologue, la collecte de données est un acte banal. Dans cette affaire, rien ne prouve qu'il y a eu une quelconque interférence avec la campagne du président Trump. L'influence de la Russie reste aussi à démontrer.
Grande panique dans le milieu des réseaux sociaux suite au vol présumé des données de 50 millions de comptes du géant Facebook par une firme appelée Cambridge Analytica qui auraient servi à aider la campagne de Donald Trump.
Que pouvez-vous nous dire sur Cambridge Analytica ?
Il faut tout d'abord faire un peu de pédagogie. Que 50 millions de données sur 50, 100 ou 200 millions d’individus soient volées, cela arrive tous les jours. Il existe dans les grands pays développés, Grande-Bretagne, États-Unis, France, des sociétés qui ont pour but de mouliner et d’utiliser des données qu’elles ont récupérées sur le net ou sur les réseaux sociaux ou dans le cyber monde. Ces sociétés-là font ce qu’on appelle des mégas donnés ou big data. Cela consiste à récupérer par exemple 150 millions de données sur les gens qui vont acheter dans les super marchés et d'en tirer des profils permettant d'optimiser la consommation de ces gens dans les hypermarchés. C’est exactement ce qu’il s’est produit dans le cas que vous mentionnez.
Je connais deux sociétés de ce genre. La première est à Oxford et s’appelle Oxford Analytica, et la seconde, Cambridge Analytica, est à Cambridge. Ce sont des sociétés qui font du big data et de l’analyse de données. J’ai pu observer qu’elles étaient très proches des services de renseignements britanniques. Dans ces histoires-là, on nous parle souvent des Russes, mais là je n’ai pas l’impression qu’il y ait beaucoup d'anciens des services de renseignements russes à Cambridge Analytica ou même Oxford Analytica. En revanche, il y a beaucoup d’anciens des services britanniques. Il faut commencer par remettre les choses en place.
Deuxièmement, le monde de l’internet est un monde magique. Les gens ont des baguettes magiques. Elles s’appellent des algorithmes. C’est une espèce de concept transformé en code mathématique. À partir de là, on essaie de faire dire à des données récoltées en grand nombre des choses précises.
En l’occurrence, les gens de Cambridge Analytica prétendaient pouvoir influencer le vote des électeurs dans une campagne électorale.
Est-ce sérieux ou non ? Je n’en sais rien. Je n’ai pas été vérifier.
Quand quelqu’un dit qu’on va pouvoir prédire le crime ou influencer telle ou telle chose, 9 fois sur 10, c'est de la sorcellerie.
Ces données récupérées avaient-elles pour but de faire une moyenne des opinions américaine pour ajuster les lignes de programme ?
C’était plus précis que cela. Cela consistait d’abord à interroger quelques centaines de milliers de personnes sous forme de sondage. La manière dont la firme se présentait et la façon dont le sondage était proposé faisaient sérieux. Naturellement, Cambridge Analytica n’a qu’un rapport très lointain avec une université de Cambridge. Ils n'ont peut-être qu'un bureau dans cette ville, mais "Cambridge Analytica" donne une impression de science médiévale, grande université européenne, donc cela fait sérieux. Ce qui est le but recherché.
Ces gens sont interrogés sur Facebook. Et avec la magie de Facebook, en récupérant leurs amis et les amis des amis, on passe rapidement de 250.000 personnes à 50 millions de personnes par effet cumulatif.
Ensuite, l'idée, sachant que toutes ces personnes sont américaines, est de vendre au client que, à partir de la connaissance de la position de 250.000 personnes sur des points pouvant servir à influencer leur opinion sur les prochaines élections aux États-Unis, il est possible, par extrapolation, de le faire sur 50 millions d’électeurs.
Je m’empresse de dire que cela n’est en rien un raisonnement scientifique. Ce raisonnement selon lequel si telle personne a fait ceci, alors telle autre personne fera cela ne s’appelle pas un raisonnement scientifique, mais un vœu pieux, rien de plus.
Vous savez qu’en période électorale, le candidat et ses proches sont extrêmement désireux de potentialiser, d’améliorer et de renforcer le sentiment qu’ils peuvent avoir sur des gens en nombre si important que possible. Ils croient donc à peu près à tout.
Quelle est la crédibilité des soupçons d'ingérence russe dans l’élection de Donald Trump liés au fait que le vendeur du fameux algorithme serait un chercheur russe ?
C'est un peu comme dans les catastrophes aériennes. Quand un avion explose, il est statistiquement toujours possible de retrouver parmi les passagers le cousin du beau-frère de la belle sœur ou d’un représentant de l’État islamique.
Ici, c’est pareil. Les algorithmes, c’est du bricolage, du code bricolé un peu à la manière des Mécanos. On prend des pièces fixes et on les bricole de manière à leur faire faire quelque chose de précis.
Dans les bouts de codes bricolés et assemblés les uns aux autres en vue de leur faire accomplir un travail de tri sélectif et d'influencer les gens dans le registre électoral, on trouve fatalement du code américain, britannique, chinois, japonais et russe.
C’est un peu comme dans le patinage, il y a des figures libres et des figures imposées. Si parmi les figures imposées, il faut absolument un espion russe, alors on n’a pas de mal à le trouver. Il ne faut donc pas s’inquiéter. Cela ne veut pas dire grand-chose. Tout peut se dissimuler.
Les gens doivent savoir que dans le monde numérique tout est falsifiable. Je peux envahir votre ordinateur depuis Lamotte-Beuvron, Laroche-Migennes ou Criquebeuf-Le Petit en ayant mis à l’intérieur de mon travail d’infiltration dans votre ordinateur des traces de codes nord-coréens et vous serez persuadés que ce sont des Nord-Coréens qui ont fait le coup. Naturellement, le fait qu’il y ait une trace avec une signature ou un bout de code avec un caractère cyrillique ne signifie pas forcément que c’est quelqu’un qui utilise le vocabulaire cyrillique, donc un Russe, qui a fait le coup. Cela pourrait être quelqu’un qui laissé des traces délibérément à l’intérieur de son algorithme, ou du système qu’il a utilisé pour vous infiltrer, afin d'égarer les soupçons.
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