On peut être en échec scolaire et réussir dans les affaires… et sortir de l’ENA ou HEC en demeurant un handicapé de la vie. On croise, ainsi, dans les banlieues de nos grandes villes et sur nos autoroutes des « bac -10 » qui roulent en Porsche. Ou portent une montre de grande marque au poignet car, si l’on en croit le publiciste Séguéla : « Si à 50 ans on n’a pas une Rolex, c’est qu’on a raté sa vie ! »

Si l’on s’en tient à ce critère, ceux-là l’ont pleinement réussie… Je parle des chefs d’entreprise qui œuvrent dans « l’économie parallèle », comme on dit, laquelle se révèle être l’une des plus prospères. Et pour parallèle (c’est-à-dire officieuse) qu’elle soit, elle irrigue largement l’économie officielle. Celle des Porsche et des Rolex, par exemple.

Il faut dire, aussi, qu’à part le mépris des uns pour les autres et vice versa, il n’y a pas grande différence entre les façons d’opérer : études de marché, niches, business plans, pub, call centers, community manager, livraison à domicile et uberisation de la profession… ces gens-là font tout pareil. Jusqu’au chiffre d’affaires. Et leur secteur ne connaît ni le chômage ni la crise !

On a ainsi pu lire, ces jours derniers, dans La Dépêche et dans Le Parisien, des reportages sur les nouvelles méthodes de vente des dealers. Et vous savez quoi ? Ça ressemble à s’y méprendre aux campagnes de la grande distribution.

Bien sûr, il y a encore le petit commerçant de quartier, celui qui flèche carrément le parcours, comme le montre La Dépêche. C’est à Toulouse, au Tintoret exactement, dans le quartier du Mirail, un fléchage à la peinture bleue pour se repérer dans la cité : « beuh, coke. » Suivez le guide ! Est-ce la preuve qu’on n’y craint pas les descentes de police ? Plus professionnels dans l’approche, certains dealers toulousains délivrent aussi des cartes de fidélité. Ceux-là « sont inventifs en matière de marketing », mais leurs homologues grenoblois le sont plus encore. « La police de l’Isère a récemment découvert une vidéo sur le réseau social Snapchat dans laquelle un homme cagoulé et ganté tire au sort un ticket qui récompensera un de ses clients. »

D’autres petits malins de région parisienne (Val-de-Marne) ont eu la même idée… et la même orthographe. Là-dessus, il ne faut pas être trop regardant : « La personne possédant le même tiquet est priez de venir chercher son cadeau. […] Félicitation au gagnant » (Grenoble) ; « Pour la tombola on a reporter au 10 avril pour le tirage merci et vous inquiete pa toutes les personne qui on prit un ticket le tirage sera fait en live le 10 avril à 20 H merci » (Villejuif).

Notez bien, si j’écoute les confidences de certains amis, on ne fait guère mieux dans nos grandes écoles… Ça doit être ça, l’égalité des chances.

En région parisienne, le réseau Caliweed est un peu le « Grand Frais » de la drogue. Chiffre d’affaires estimés autour de 7.000 euros par jour, 200 clients en moyenne, ouverture 7 jours sur 7 de 14 h à minuit. Le point de vente de Villejuif est si connu qu’on y vient de partout : « Avant, l’été, et les veilles de week-end, il y a parfois tellement de monde que le spot ressemblait à un quai de RER aux heures pleines », confie une habitante au Parisien. Comme ses voisins, elle connaît « trop bien le manège quotidien de bobos parisiens, de jeunes cadres en costard-cravate, des mémés, des mères de famille, des jeunes, des étudiants ». On vous le dit : c’est le supermarché.

Mais, depuis un moment, la guerre fait rage avec la police et la municipalité. Le rappeur Mister You, qui faisait ouvertement la pub de cette spécialité locale dans une vidéo diffusée sur son compte Snapchat, a été perquisitionné et va être jugé. Toutefois, ils ne s’en cachent pas : « La plus grande crainte des dealers n’est pas la justice mais de se faire prendre leur produit. Ils doivent rembourser leur chef. Et il ne rigole pas du tout. » Alors, ce joli monde s’est adapté…

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19 avril 2019 à 17:41

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