Le président de la République cherche à renforcer sa popularité, en chute libre dans les sondages. Dans une lettre datée du 6 septembre et adressée aux professeurs et chefs d’établissement, il les flatte, les chouchoute : "Je vous exprime la gratitude et la reconnaissance du peuple français pour votre action quotidienne." Mieux encore : il s’engage "à transformer l’école comme cela n’a jamais été fait, c’est-à-dire avec [eux]".

C’en est donc fini, des experts inamovibles, des sociologues plus idéologues que scientifiques, des pédagogues de salon qui professent doctement leur évangile ! Il va faire appel aux professeurs du terrain, qui ont l’expérience de l’enseignement, de ses difficultés, de ses besoins, de ses succès aussi. Il veut leur redonner "la capacité d’innover, de déployer les méthodes dont l’efficacité a été mesurée afin de créer les conditions concrètes de la réussite de tous les élèves".

Parmi les professeurs, meurtris par des décennies de réformes délétères, considérés jusqu’ici comme de simples exécutants, peut-être certains seront-ils séduits par ce chant de sirène. Mais la majorité d’entre eux, s’ils lisent cette lettre avec attention, comprendront qu’on veut, une fois de plus, les rouler dans la farine.

Il vaut la peine de s’attarder sur quelques phrases de cette lettre d’amour.

"L’école de la République […], c’est d’abord la promesse faite à chacun que son avenir est entre ses propres mains. Que son lieu de naissance, son milieu social, sa religion ou sa couleur de peau ne compteront pour rien face à son mérite et à ses efforts." C’est une évidence : n’est-ce pas faire insulte aux professeurs que de suggérer que ce pourrait n’être pas le cas ? Encore faut-il permettre à tous les élèves, quelle que soit leur origine, de faire valoir leurs mérites.

On eût aimé que, comme son ministre, il dénonçât l’égalitarisme qui, depuis tant d’années, sape l’enseignement, qu’il défendît clairement l’objectif que devrait s’assigner toute politique éducative : assurer la promotion de toute une génération d’élèves, en fonction de leurs efforts et de leurs talents, tout en permettant aux meilleurs, dans tous les milieux, de tendre vers l’excellence.

On eût aimé qu’il prît personnellement ses distances avec la politique que mena Najat Vallaud-Belkacem quand il était lui-même aux affaires et, donc, solidaire du gouvernement : la réforme du collège, ses programmes à la Diafoirus, le sabordage des sections bilangues, les attaques contre le latin et le grec, toutes ces mesures qui révèlent le syndrome de Procuste.

Emmanuel Macron déplore que l’autorité des professeurs soit "contestée", que "la laïcité soit remise en cause par les comportements ou les discours de certains", que "la société ne donne plus [aux professeurs] la place qui [leur] revient pourtant de droit". Mais que propose-t-il pour rétablir l’autorité des maîtres ? Qui tient un discours ambigu sur le multiculturalisme ? Qui attise les ressentiments et la victimisation par sa conception de l’Histoire ? Qui s’apprête à augmenter la CSG, sans aucune compensation pour les professeurs ?
Il prétend mieux préparer nos enfants à l’enseignement supérieur et à la vie active et, pour cela, "moderniser en permanence nos cursus pour tenir compte de toutes les évolutions scientifiques, économiques, technologiques et pédagogiques" : une sorte de révolution permanente pour mieux mettre l’enseignement au service de l’économie. Sans comprendre, précisément, que, face à la rapidité des changements, on aura toujours un train de retard et que rien ne vaut une culture générale étendue pour les affronter.

Des présidents de la Ve République, Macron est, paraît-il, le plus mélomane. Il a même reçu le troisième prix de piano au conservatoire d’Amiens. Il sait aussi jouer du pipeau.

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08 septembre 2017 à 11:31

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