Macron, le nouveau coup d’État permanent
Dimanche, le premier tour des élections législatives va peut-être amorcer la seconde étape de cette "révolution" annoncée par le livre de celui qui est devenu président de la République. En un sens, le mot est juste puisque le tour du cadran aura été parcouru et que les Français auront commis l'exploit de tout changer pour revenir à la même place. Un ex-secrétaire adjoint de Hollande, puis ministre du même, aura pris sa place, sans doute entouré des mêmes conseillers et soutenu par les mêmes réseaux. On ne saluera jamais assez la clairvoyance populaire qui a ainsi exprimé sa répulsion à l'encontre des cinq années désastreuses dont M. Macron et ses amis s'étaient rendus complices. Mais, dans un second sens, un grand nettoyage s'est opéré, qui correspond aussi à l'idée de révolution. Le marais a écarté à sa gauche comme à sa droite ceux qui avaient des convictions fortes, encore socialistes, émouvantes de nostalgie, ou vraiment conservatrices, et trop dures à supporter par un peuple amolli. Ne subsistent que les professionnels : en bas les socialistes qui ont abandonné l'étiquette pour sauver leur peau ou Les Républicains dénués d'idées mais toujours prêts à rejoindre les modes dans le vent pour continuer leurs carrières ou sauvegarder leurs sièges ; en haut le microcosme des énarques, des hauts fonctionnaires, des patrons de presse et autres faiseurs d'opinion, des grands patrons tout court. Enfin, et dans un troisième sens, une page a vraiment été tournée. La France pouvait devenir une démocratie régulière au rythme d'alternances raisonnables entre des groupes politiques suffisamment responsables pour offrir des alternatives réalistes à des électeurs suffisamment éclairés pour effectuer des choix intelligents. Voilà plus de trois siècles que le Royaume-Uni offre ce visage. Il sera dit que la France est, elle, condamnée aux soubresauts, aux enthousiasmes frivoles et aux mouvements d'humeur. Un nouveau pouvoir se met en place qui est le fruit d'un coup d’État médiatique et judiciaire. Une minorité qui contrôle l'essentiel de l'information a pris le contrôle du pays.
Un coup d’État ne conduit pas à une démocratie, mais lorsque celui-ci est conçu avec une fourberie talentueuse, la démocratie est escamotée avec l'assentiment des électeurs inconscients d'être carottés. Si les Français ne se réveillent pas, ils seront demain à la merci d'un régime soumis à un Président soutenu par un parti unique professant la pensée unique, une dictature douce en apparence qui reléguera les putschs militaires au magasin des antiquités. Depuis des mois, les médias dominants disent aux Français comment ils doivent voter. Depuis des années, ils leur disent comment ils doivent penser. Dans notre société apparemment libérée, la pensée religieuse a repris le dessus et l'autocratie a été restaurée. Le monarque passe à travers les gouttes des affaires ou des bourdes et a droit à un Te Deum médiatique à la moindre apparition. Les choix du Louvre ou de Versailles ne sont pas innocents : ce sont les palais royaux où se déployaient les fastes de notre prestigieuse monarchie. Le Président jupitérien y règle son ballet, soigne la mise en scène avec les autres astres du monde et fulmine contre les médias insolents. Il convient, désormais, de dire en effet tout le bien que l'on pense de sa majesté.
Les sondages annoncent un raz-de-marée de la formation créée récemment par le candidat élu. Socialistes et Républicains opportunistes y côtoieront des gens issus de la société civile. La majorité sera sans doute grandiose. Derrière un homme sans bilan, au projet incertain, elle n'obéira qu'aux intérêts de sa survie. La légèreté des Français qui foncent ainsi dans un brouillard, qui enveloppe autant l'origine que le développement de cet étrange épisode de notre histoire, n'a d'égale que la bêtise des partis qui ont perdu la confiance de leur électorat. Comment un électeur de droite peut-il croire à un parti au parcours aussi sinueux que Les Républicains ? Puisse la raison faire en sorte qu'il y ait une véritable opposition, y compris avec un nombre suffisant de représentants du Front national. Un parti unique présidentiel et un parti frappé d'interdiction "morale" par tous les autres sont des dangers mortels pour notre démocratie.
Les Français sont-ils distraits au point qu'on puisse leur voler la démocratie avec leur assentiment, voire leur enthousiasme ?
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