Livre : Les Cosaques et le Saint-Esprit, de Bruno Lafourcade

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Un peu de retard dans les lectures qui s’empilent sur la table de nuit, ajouté à celui du courrier pour lequel le cachet de la poste fait foi et Les Cosaques et le Saint-Esprit n’arrivent que maintenant alors que le livre est sorti en juillet dernier. Mais à la différence de la cavalerie, le dernier ouvrage de Bruno Lafourcade arrive à point. Drôle de titre, d’ailleurs, qui demande une petite explication car on n’est pas obligé, votre serviteur le premier, de connaître Léon Bloy. « J’attends les cosaques et le Saint-Esprit », écrivait-il, en 1916, dans Au seuil de l’Apocalypse.

Avant que l’URSS ne s’effondre, on attendait les Russes qui allaient, un jour ou l’autre, traverser l'Allemagne, percer avec leurs chars par la trouée de Fulda et atteindre le Rhin en trois jours, inexorablement. Le Président menacerait alors de déclencher l’Apocalypse sur Moscou et les autres villes soviétiques. Mais, en général, le « finex » de la manœuvre s’arrêtait juste avant. Juste à temps...

« J’attends les cosaques et le Saint-Esprit » : en gros, la situation d'aujourd'hui est désespérée. Sans doute plus que lorsque nous attendions de pied ferme l'Armée rouge dans nos treillis verts. Et en lisant les chroniques de Lafourcade, publiées ici et là et regroupées dans ce petit livre rouge de 350 pages, aux Éditions La Nouvelle Librairie, on se dit qu’effectivement, il n’y a plus que les cosaques et le Saint-Esprit pour nous sauver ! Des chroniques écrites entre octobre 2017 et mai 2020. Au milieu de cette période, la crise des gilets jaunes. On notera, du reste, que Jean-Pierre Marielle, quelques mois avant sa mort, enregistra un extrait du texte de Bloy sur fond d’images de gilets jaunes. Pas impossible, non plus, que Bruno Lafourcade, en choisissant ce titre, ait pensé à cet acteur qui s’enferma dans le « désabus » vers la fin de sa vie. Nous le lui demanderons.

Dire que l’on a tout aimé dans ces chroniques serait mentir, mais que de petits portraits délicieux, trempés de cruauté, c’est-à-dire de vérité ! Comme celui de Julien, l’antifa de service. « Papa est DRH, maman bosse dans la com’ : il est pour les migrants et contre les amalgames […] Depuis, il pense se convertir à l’islam. Après les partiels de février, peut-être. En attendant, il va finir le gratin de Rachida. » Il y a aussi Mathieu. « Enfant, Mathieu fit une crise de nerfs et se jeta en criant contre le mur de sa chambre ; son maçon de père lui donna une gifle et sa mère une bise : ce jour-là, il comprit qu’il était artiste… » Le petit-bourgeois planétaire dont on ignore le prénom – c’est monsieur-madame Tout-le-monde, au fond – n’est pas mal non plus : « Le seul qui soit innocent, par un décret des forces supérieures, c’est lui, surtout s’il est coupable. C’est pourquoi le petit-bourgeois planétaire est si procédurier ; tout lui est sujet à procès, de ses parents qui l’ont déshérité à sa fille qui a couché avec le moniteur de ski. »

Évidemment, un grain de misogynie pimente ces chroniques : « Les femmes, c’est l’incohérence à la chaîne. Elles en produisent autant que Carlos Ghosn des Renault » (c’était avant l’incident nippon…). Apolline de Malherbe n’échappe pas au massacre. La misogynie n’y est pour rien, sur ce coup-là, mais ce n'est pas volé quand même ! Souvenez-vous : « En quoi c’est un problème que les Français deviennent minoritaires en France ? », demandait dame de Malherbe au reître Jean-Marie Le Pen. « C’est vrai, on fait bien du café sans café, pourquoi pas des Français sans Français… », fait remarquer notre Cosaque.

Pour terminer cette chevauchée au galop à travers les chroniques de Bruno Lafourcade, évoquons un dernier personnage. Pas de prénom, c'est « le terroriste de proximité. Dans le crime de masse, il appartient à la branche artisanale : c’est l’auto-entrepreneur de l’attentat, l’assassin du quotidien. » La dernière chronique est datée du 20 mai mais pourrait l’être de ce 24 octobre : « Avec ses bars fermés et ses femmes masquées, c’est enfin la société de demain. »

Finalement, aucun retard dans nos lectures.

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Georges Michel
Editorialiste à BV, colonel (ER)

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