L’inspirante Marlène Schiappa 

« Inspirant » : qui inspire, donne des idées. Du verbe « inspirer ». On peut inspirer tout un tas de choses. De l’air, d’abord : « inspirer, expirer », commande le toubib, armé de son stéthoscope glacé. Des sentiments, aussi : la passion, l’amour, la confiance mais aussi la haine, la méfiance, l’indifférence... « Ce type-là ne m’inspire que du dégoût », dira-t-on en faisant la moue. En principe, inspirer aspire à être transitif, mais dans l’espèce de nouvelle langue inspirée on ne sait d’où, le participe présent « inspirant » se suffit à lui-même. Toujours dans ce même sabir, dire qu’une personne est inspirante sous-entend forcément qu’elle inspire de belles et positives choses. Pas question d’employer « inspirant » dans un sens négatif. Nous sommes dans le monde de la bienveillance. On parlera d’une belle (forcément !) personne inspirante.

Mais il n’y pas que les êtres qui sont inspirants. Marlène Schiappa, écrivain à ses heures perdues, dira, par exemple, que « promouvoir les sportives dans les médias c’est changer le regard de la société sur le sport féminin en donnant aux jeunes filles des rôles modèles inspirants » (tweet du 28 juillet 2020 à l’occasion du lancement de la troisième édition de Sport féminin toujours). Ou encore, à propos du congé de paternité, que « la Finlande, où je me suis rendue récemment, est un pays très inspirant ». Jadis, il fallait s’inspirer du modèle social suédois. C’est autrement plus classe de dire que la Finlande est inspirante. Inspirant vous donne un air plus chic, plus moderne, plus inspiré justement, plus littéraire peut-être – enfin, le pense-t-on. La France n’est-elle pas un pays de littéraires et, en premier, le premier des Français ? Du reste, Emmanuel Macron emploie aussi ce participe présent. Un journaliste lui demande ce que lui inspire Laurent Wauquiez (ça date un peu). Le Président répond : « Rien parce qu’il n’est pas inspirant. » Là, c’est sans appel car il faut bien comprendre que dans cette nouvelle langue et, donc, dans ce nouveau monde, ne pas être inspirant, c’est pire que tout. Pire que la connerie ? Oui, car la connerie, elle, est très inspirante, c’est bien connu.

Et, sans transition, nous revenons à Marlène Schiappa. Dans l’entreprise de défense, à coups de bec et ongles, du préfet Didier Lallement, elle est venue apporter sa petite touche personnelle. Comme pour Macron, alors qu’elle est en visite de terrain, un journaliste lui tombe dessus et lui demande sa réaction à propos de la fameuse carte de vœux du haut fonctionnaire. A-t-il bien été inspiré de faire ainsi imprimer sur ses cartes de vœux une citation de Trotski ? Réponse du ministre qui ne se démonte jamais : « Je crois que Trotski, de son vrai nom Lev Davidovich Bronstein [on notera ce sens de la précision historique qui montre qu’on a de la culture, nous, Madame], a écrit beaucoup de choses qui sont très inspirantes et, donc, chacun a le droit de le citer, de s'en inspirer. » Peut-être, pourquoi pas, mettons. Réaction de Me Gilles-William Goldnadel, très inspiré par la leçon de Mme Schiappa : « Il arrivait aussi au Dr Goebbels d’avoir de l’esprit. » Il paraît que Marlène Schiappa, elle aussi, a écrit beaucoup de choses qui sont très inspirantes. Sans doute plus rigolotes que celles de Lev Davidovich Bronstein, dit Trotski.

Georges Michel
Georges Michel
Editorialiste à BV, colonel (ER)

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