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Il y a, décidément, une exception cinématographique italienne, confirmée par les artisans d’Artus Films qui parviennent, encore et toujours, à exhumer de petits joyaux transalpins. En effet, qui avait entendu parler de Société anonyme anti-crime ? Probablement personne.

Voilà pourtant un polar, teigneux et filmé à l’os par un presque inconnu, Stefano Vanzina, mais devenu célèbre sous le pseudonyme de Steno, sous lequel il tourna près d’une centaine de films avec les plus grands des acteurs du cru, tel Alberto Sordi ou Ugo Tognazzi. Mais pour ce film, il choisit de signer sous son véritable patronyme.

Peut-être parce qu’il entend probablement donner dans cette œuvre éminemment personnelle une radiographie de l’Italie de la décennie 70. Nous sommes alors là en pleines Années de plomb. Le terrorisme fait rage, souvent d’extrême gauche, parfois d’extrême droite. Sévèrement bousculée, l’historique coalition démocrate-chrétienne se dépêtre avec ces sombres allégeances la liant à la fois à la mafia, au Vatican et à la CIA. Les socialistes ne savent plus trop bien où ils en sont, tandis que leurs frères ennemis communistes, soucieux d’ordre, décrètent la chasse aux gauchistes. Le désordre atteint de telles proportions que le coup d’État fasciste, fomenté – mais vite avorté – en 1970 par Junio Valerio Borghese, dit le « Prince noir », et ancien héros du fascisme, n’est alors pas que vue de l’esprit. Dans le même temps, l’insécurité atteint des sommets de plus en plus insupportables pour le citoyen.

Ce film, tourné en 1972 et, jusqu’alors, invisible en nos contrées, est pleinement ancré en cette époque. Là, le commissaire Bertone, incarné par l’impeccable Enrico Maria Salerno, se révolte à la fois contre le laxisme judiciaire, la complaisance des médias progressistes et l’impuissance des instances politiques. Bref, il exige plus de pouvoirs pour les flics ; comme quoi l’antienne ne date pas d’hier. Seulement voilà, il se rend peu à peu compte qu’il est en train de se faire doubler sur sa droite et que d’autres policiers entendent discrètement mener des actions autrement plus expéditives que celles qu’il peine à mener. Acceptera-t-il ou non ? Demeurera-t-il légaliste ou pas ? C’est toute la question.

Ainsi résumé, le synopsis rappelle étrangement un autre film bien plus célèbre : Magnum Force, deuxième volet des aventures de l’inspecteur Harry, interprété par un certain… Clint Eastwood. Ne cherchez pas plus loin, le film de Ted Post, tourné un an plus tard, est un parfait décalque de celui de Stefano Vanzina. Et dire que ce sont les Italiens qu’on suspecte toujours d’en prendre à leurs aises avec la propriété artistique ! L’original supplante ici largement la copie. Filmé sans violence superflue et avec intelligence : en un mot comme en cent, c’est italien.

Pour les amateurs du genre, Artus en profite pour exhumer un autre film, tout aussi méconnu, Opération K, de Luigi Petrini, tourné en 1977. Une fois de plus, la même problématique sociologique. Et toujours ce même point de vue assez pasolinien visant mettre à équidistance voyous du lumpen-prolétariat et fils de bourgeois à la dérive. Avec, au milieu, la figure de l’homme honnête, un policier une fois encore, embringué dans une affaire de prise d’otages dans un restaurant.

Même si ce film, en tous points remarquable, est réservé à un public plus qu’averti, le portrait qu’il dresse de l’Italie d’alors n’est pas sans rappeler la France d’aujourd’hui. Certains Black Blocs seraient bien inspirés de voir ce film, histoire de comprendre que leurs jeux d’enfants, tant gâtés que capricieux, peuvent finalement se révéler bien plus méchants qu’ils n’auraient pu l’imaginer.

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02 janvier 2021 à 9:11

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