L’État sous Macron : vide-greniers et brocante en tout genre

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La Tribune de l’art, lanceuse d’alerte dans le domaine de la sauvegarde de notre patrimoine, mais aussi le très politiquement correct Télérama ou encore Le Canard enchaîné, plus décapant, dénoncent cette semaine, chacun à leur manière, un petit scandale à bas bruit et coût dont notre État a le secret : la vente des bijoux de famille. « L’État brade du mobilier précieux du château de Grignon », « À saisir, fauteuil Louis XVI à prix cassé : à Grignon, l’État brade son patrimoine », « L’État envoie paître ses bergères Louis XVI ».

De quoi s’agit-il ? On se souvient qu’en août 2021, notre amie Marie Delarue avait évoqué le bradage du domaine de Grignon, dans les Yvelines, véritable berceau de l’agronomie française : un château Louis XIII (photo), inscrit (et non classé) au titre des monuments historiques, et ses dépendances, entourés d’un parc de plus de 300 hectares et occupé par les étudiants d’AgroParisTech et les chercheurs de l’INRAE (Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement). Quelques mois plus tard, on apprenait que l’État renonçait à cette vente, sans doute face à une forte mobilisation des élèves, anciens élèves et élus locaux, comme, par exemple, le président du Sénat Gérard Larcher. Une renonciation temporaire puisque la préfecture avait déclaré qu’« une nouvelle procédure de cession » du domaine « sera[it] lancée au second semestre 2022 », rapportait alors L’Obs. Une décision qui ne remettait pas en cause le transfert d’AgroParisTech sur le site de Saclay (Essonne). Le 21 novembre dernier, une réunion interministérielle se tenait à Matignon (ce qui dit la sensibilité du dossier) au sujet de l’avenir du domaine de Grignon. On n’en sait pas plus aujourd’hui sur l’avenir de ce bien immobilier, propriété de l’État.

En revanche, pour ce qui est du mobilier, les titres d’articles cités plus haut parlent d’eux-mêmes. En juin dernier, le service des domaines, « seul chargé de procéder à l'aliénation des objets mobiliers et matériels du domaine privé de l'État, lorsque le service détenteur n'en a plus l'emploi ou en a décidé la vente pour un motif quelconque », selon les termes de la loi, procède à une vente aux enchères en ligne du mobilier du château de Grignon. Un mobilier qualifié « de style ». « De style », cela signifie fabriqué après l’époque correspondant à l'âge d'or de la fabrication de ce type de meubles. Les buffets « de style Henri II », fabriqués au XIXe siècle et même après, encombrent nos dépôts-ventes et vous en trouverez à moins de 300 euros !

Malheureusement (ou heureusement, tout dépend de quel côté on se place), beaucoup des meubles de Grignon n’étaient pas « de style » mais d’« époque », certains ayant même appartenu à Bessières, duc d’Istrie, maréchal d’Empire ! Un exemple parmi ce bric-à-brac, cité par Didier Rykner dans La Tribune de l’art ? Un « secrétaire à abattant de style Louis XVI, en chêne et plaquage, dessus marbre noir angles circulaires, baguettes laiton. Vendu avec 2 clefs ». Mise à prix : 30 euros. Vendu : 34 euros ! Un secrétaire qui s’avère être, non pas « de style » mais « d’époque Louis XVI ». Moins cher que du mobilier Ikea™… Un autre exemple, histoire de bien vous énerver ? Une « console de style Louis XVI, en bois doré sculpté, dessus en marbre bleu, bord chanfreiné… En état d'usage, manque quelques motifs du décor inférieur ». Mise à prix : 40 euros. Vendue : 2.050 euros. Visiblement, dans les enchérisseurs, il y avait des connaisseurs. La preuve : le 8 novembre à Drouot, cette console estampillée était revendue… 13.000 euros. Selon Le Canard enchaîné, vingt sièges Louis XVI ont été mis à prix par les Domaines pour 170 euros mais auraient été estimés entre 300.000 et 500.000 euros par plusieurs spécialistes.

Pourtant, cette braderie aurait pu être évitée si… la loi avait été appliquée. En effet, un décret oblige toute administration de l’État à aviser le Mobilier national, vieille et belle institution, héritière de l’Ancien Régime, lorsqu’elle envisage de vendre du mobilier. Ce qui n’a pas été fait… Vous me direz que tout cela, c'est du menu fretin à côté de l'affaire Alstom, non ? Rien à voir – quoique -, mais souvenez-vous des paroles de Bruno Le Maire, grand argentier de notre République, à l’occasion de l’ouverture du débat sur le pouvoir d’achat au Sénat en juillet dernier : « Chaque euro compte. » Oui, c'est ça, chaque euro compte...

Illustration : le château de Grignon (78)

Georges Michel
Georges Michel
Editorialiste à BV, colonel (ER)

Vos commentaires

37 commentaires

  1. L’argent rentre à profusion par les impôts et toutes sortes de taxes en France, où passe t’il ? L’endettement ne cesse de gonfler, quand les comptes seront définitifs et que ces pitres de la politique partiront il sera nécessaire qu’ils rendent des comptes. Où va l’argent ?

  2. Il y a là un flagrant délit d’initié et il serait intéressant de connaitre le nom des acheteurs qui se sont empressés de revendre leurs achats (10 , 15 et plus ) fois plus cher . Encore de l’antre soi comme tout ce qui se passe au plus haut des sphères gouvernementales

  3. L’ Etat est tellement pauvre qu’il est bien obligé de vendre les bijoux de famille quelques milliers d’ €uros , cela profitera je pense à certains qui ont été prévenus à temps…; notez que la Presse nationale est muette, alors que c’est effectivement un scandale, aussi grand Merci à B V de nous l’ avoir signalé .

  4. Il faut de l’argent, beaucoup d’argent pour compenser l’incapacité et la mauvaise foi de nos gouvernants. La France, il s’en moque, c’est l’Europe, qu’il vise. il se voit déjà en Biden européen

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