Le bac se meurt, le bac est mort ! La République aussi !

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Il n'y a pas si longtemps, avant la réforme, l'épreuve de philosophie, qui se passait quelques jours avant les autres disciplines, constituait l'ouverture solennelle du baccalauréat. Certes, on savait que 90 % des candidats l'obtiendraient, mais les élèves s'y présentaient avec quelque appréhension. Mercredi dernier, cette épreuve est passée presque inaperçue. Depuis longtemps, le baccalauréat n'avait plus guère de valeur, mais il restait une sorte de rite initiatique pour passer du statut d'élève au statut d'étudiant, de la jeunesse à l'âge adulte. Aujourd'hui, il ne signifie plus rien.

Le souhait de conduire 80 % d'une classe d'âge au baccalauréat a été comblé au-delà des espérances : en 1995, le taux de réussite était de 75 %, en 2019, il dépasse les 90 %. Par démagogie et par laxisme, les politiciens qui nous gouvernent ont bradé ce diplôme. Incapables de conduire les élèves au niveau du baccalauréat, ils l'ont adapté au niveau des élèves. Il existe encore de bons élèves, mais ils sont perdus dans la masse. Quand ils ont la chance d'échapper à la médiocrité générale, c'est tout juste si on ne les montre pas du doigt ou on les exhibe comme des phénomènes de foire.

La réforme du baccalauréat, qui prétendait redonner du sens à cet examen et permettre une meilleure orientation dans l'enseignement supérieur, a aggravé la situation. Le poids du contrôle continu, facteur d'inégalités et de pressions de toutes sortes, le passage en mars des épreuves de spécialité et le calendrier de Parcoursup ont eu des effets délétères. Dès le mois d'avril, les jeux sont faits, les élèves connaissent leurs résultats, les absences se multiplient. Dans ces conditions, l'épreuve de philosophie, autrefois si importante, est devenue bien secondaire. Reste le « grand oral », qui n'a de grand que son nom et n'est qu'une formalité.

Pire : dès le début juin, avant l'annonce des résultats, la plupart des élèves savent quelle sera leur affectation dans l'enseignement supérieur. On aurait voulu priver cet examen de toute signification qu'on ne s'y serait pas pris autrement. Il ne sert plus à rien, il n'est plus qu'un diplôme sans valeur, qu'on distribue à qui le demande. Pierre Mathiot, l'inspirateur de la réforme, reconnaît, dans un entretien au Figaro, qu'« il n'est pas satisfaisant de se dire qu'on a perdu une partie des élèves avant juin » et envisage de « garder les notes secrètes jusqu'au mois de juin ». Il est peu probable qu'une telle mesure suffise à remédier aux maux qu'il a semés.

Pour redonner du sens au baccalauréat, ne faudrait-il pas plutôt revenir à ce qui a bien fonctionné dans le passé, un baccalauréat sélectif, passé au mois de juin, avec des épreuves exigeantes, un examen qui soit un véritable diplôme d'accès à l'enseignement supérieur, non un passeport pour nulle part ? Sinon, il faut que chaque université, chaque grande école organise sa propre sélection. On imagine aisément quelle contestation un tel système provoquerait : le bac pour tous est un acquis. Quand on a pris de mauvaises habitudes, il est difficile de s'en défaire, la moindre sélection serait considérée comme discriminatoire.

On croyait que, dans la nuit du 4 août 1789, on avait aboli les privilèges, mais les gouvernements de la République, en renonçant progressivement à récompenser le mérite et le talent, les ont rétablis. La médiocratie des petits chefs a remplacé la méritocratie. Dans ce domaine comme dans d'autres, le bilan de la Macronie s'alourdit. Le bac se meurt, le bac est mort ! La République se meurt aussi !

Philippe Kerlouan
Philippe Kerlouan
Chroniqueur à BV, écrivain, professeur en retraite

Vos commentaires

20 commentaires

  1. la chose est voulue et programmée. Comme çà, le Bac n’étant plus un obstacle et le piston peut revenir en force……. au bénéfice de la nouvelle élite…. gauche caviar !

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