Le 14 Juillet 2021 sera-t-il encore un 14 Juillet à part ?

L'Histoire est souvent ironique. Mark Twain voyait dans cet humour surnaturel une preuve de l'existence de Dieu. Ainsi du 14 Juillet qui est, depuis plusieurs années, le cadre du surgissement de l'actualité la plus déconcertante. Il y eut l'interview de Chirac avec son affaire qui fait pschitt, il y eut, sous Sarkozy, Bachar el-Assad sur les Champs-Élysées, il y eut la revue des troupes, glaciale, entre un Macron plein de son habituelle morgue molle (ce qu'il croit être son masque de chef, je suppose) et un Villiers déjà sur le départ. À quoi ressemblera notre 14 Juillet 2021 ?

Quelques surprises de forme, pour commencer, avec par exemple la mise à l'honneur de plusieurs « corps habillés », comme le dit Jean-Dominique Merchet, reprenant une amusante formule africaine. On verra ainsi la police municipale de Nice sur les rangs, ce qui est une première mais peut se comprendre, tant les troupes du loyal Christian Estrosi ont dû affronter d'attentats depuis 2016. Le commandement de l'Espace défilera également, ainsi qu'un équipage de sous-marin et le régiment de marche du Tchad - beau symbole, 80 ans après le serment de Koufra.

On note, enfin, la présence du groupement de Forces Spéciales Takuba, une task force multinationale née à l'initiative de la France pour éradiquer (si possible) le terrorisme au Sahel. Choix symbolique à l'heure d'un désengagement massif de la France dans la bande sahélo-saharienne. Enfin, comme d'habitude, un exercice spectaculaire destiné à humilier les armées (cette fois, une chorale de « jeunes ») clora (et non pas « clôturera ») la cérémonie.

En dehors de cela, il y a, me semble-t-il, quelque chose d'un peu nostalgique à regarder notre armée, fidèle à ses chefs politiques comme un vieux chien solide à un mauvais petit maître, défiler au pas cadencé au milieu de son pays en ruines. Dans une ville cradingue, dirigée par des fous, face à un public hébété, recouvert de son petit masque et muni de ses petits papiers sanitaires, non loin de hordes barbares qui haïssent de toutes leurs tripes deux mille ans de gloire et de sacrifice, l'armée, impavide, marchera comme si de rien n'était. Quatre jours plus tard, le 18 juillet 2021, on célébrera la journée d'hommage aux victimes des crimes racistes et antisémites de l'État français. À cette lamentable occasion, on pavoisera les bâtiments officiels aux couleurs nationales. Difficile de creuser plus profondément la tombe d'un pays, jadis si grand, aujourd'hui si triste.

Peut-être est-ce cela, la vraie surprise du 14 Juillet 2021 : la survie, impensable, du dernier corps constitué de France. Tête haute, regard clair, l'armée défilera demain dans les odeurs de putréfaction d'un atroce pandémonium. Je ne sais pas s'il faut y voir un chant du cygne ou bien la flamme d'espérance d'une dernière bougie au milieu des égouts. Cette dernière option a ma préférence.

Arnaud Florac
Arnaud Florac
Chroniqueur à BV

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