L’apiculteur Macron s’érige en surveillant de la crèche française
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Alors que l’amateurisme de l’équipe Macron est patent dans tous les domaines, le discours présidentiel sur la crise du coronavirus Covid-19, ce 12 mars, moment consensuel et ambigu de communication institutionnelle, est un écran de fumée qui pourrait profiter à la mouvance LREM lors des élections municipales, imminentes, si on se laisse séduire.
La longue répétition de termes indéfinis assenés sur un ton artificiellement assuré a pu donner l’illusion, à soixante-sept millions de titulaires de la nationalité française (« Mes chers compatriotes »), que leur inquiétude a été entendue et comprise au plus haut niveau ; que leur dossier médical individuel est, désormais, quasiment suivi en direct par le gouvernement, sous supervision présidentielle.
Cette attitude illustre, une fois de plus, la dérive providentialiste de l’État (paternaliste serait, ici, inadapté) par déresponsabilisation d’une société considérée comme une vaste crèche pour enfants, soumise pour le bien de tous aux « progrès » techniques du contrôle social.
Il ne s’agit pas, ici, de dénoncer un complot - la crise épidémiologique est réelle - mais d’en dénoncer la récupération à des fins de politique intérieure au profit du présumé « homme de la situation, providentiel ». On ne doute pas que la pandémie justifie les mesures préconisées d’hygiène et de distanciation sociale, que le ministre de la Santé nous avait déjà expliquées avec plus de crédibilité et de légitimité qu’un Président qui nous prend par la main pour nous expliquer comment la laver.
Il en va de la crèche comme de la ruche. La technique d’enfumage consiste à convaincre les abeilles citoyennes que le feu se propage dans l’habitat (« Nous ne sommes qu’au début de la crise ») pour les alarmer et les inciter à se concentrer sur leurs affaires domestiques (travail à domicile, avec les enfants à l’abri). Pour calmer durablement les abeilles sans leur faire de mal, la fumée doit être épaisse (opaque) et froide (incontestable).
Pour cela, tel un apiculteur, Macron enfume une fois de plus ses dociles abeilles citoyennes en puisant alternativement dans des registres distincts, matériel et spirituel. Puissant catalyseur, la peur incite le public à adhérer au discours officiel par adhérence émotionnelle et soumise plutôt que par adhésion raisonnée et consentie.
Dans le registre matériel, rien de mieux que l’argument d’autorité scientifique pour imposer la discipline (« recours au comité scientifique de suivi », « principe de confiance dans la science qui nous guide », « écouter ceux qui savent », « toujours selon nos scientifiques », « héros en blouses blanches »). De notre côté, on ne sait pas grand-chose mais, au moins, on le sait, et on a compris tout seuls que personne ne contrôle la situation mais que le réseau médico-scientifique international est mobilisé pour tenter d’en maîtriser au plus vite les effets. Les plus vulnérables seront prioritaires ? Le contraire nous aurait surpris.
Dans le registre spirituel, Macron s’érige en grand prêtre d’une religion civile scientiste du dieu Progrès, pour amener une communauté imaginaire à faire corps face au danger commun. Il évoque avec équivoque « la grande nation, au fond », sans la définir ; « cette force d’âme », « âme généreuse, qui par le passé a permis à la France d’affronter les plus dures épreuves » sans préciser lesquelles ni définir l’âme ; « l’union sacrée », etc. Tout cela relève de belles incantations, alors que le tissu national français n’a jamais été aussi dégradé. La générosité facile et sans limites, annoncée par l’État surendetté aux foyers fiscaux, travailleurs salariés ou indépendants et aux entreprises, n’en coûtera qu’à ces dernières.
On sait, aussi, que la décentralisation et l’implication active de tous les acteurs locaux sont des facteurs clés du pilotage de crise. N’en déplaise aux Bisounours au pouvoir, l’appel général à la vertu sans justification morale est vain dans une société déchirée et démoralisée ; on doit donc se préparer à davantage d’actes de prédation de la part de sauvageons et de profiteurs de crise que de solidarité effective.
« Plus de mœurs, moins de lois », disait Gustave Thibon. Par pragmatisme, on peut méditer La Fable des abeilles, de Bernard Mandeville (1729), qui soutient la thèse de l’utilité sociale de l’égoïsme dans certaines limites où la recherche du profit peut contribuer à la création de richesses à l’avantage de la société civile, tandis que la vertu proclamée peut lui nuire.
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