Bien sûr, ils sont présumés innocents. C’est dit. Mais le parquet national financier ne va pas chercher par les oreilles l’homme de confiance et principal collaborateur du président de la République sans un minimum de biscuits. Le secrétaire général de l’Élysée Alexis Kohler est mis en examen, ce 3 octobre, pour prise illégale d’intérêts. Il est, en outre, « placé sous le statut de témoin assisté du chef de trafic d’influence ». Une victoire célébrée par l’association Anticor qui avait porté plainte.

Quelques heures auparavant, le garde des Sceaux Éric Dupond-Moretti était renvoyé devant la Cour de justice de la République, lui aussi pour « prises illégales d’intérêt ». Le ministre de la Justice a droit à deux s, « prises illégales » : à tout seigneur, tout honneur !

Les deux affaires sont différentes. Alexis Kohler aurait pris position au nom de l’État au conseil d’administration de l’entreprise de croisières MSC dans laquelle il a travaillé et qui reste dirigée par des membres de sa famille. L’affaire qui rattrape Alexis Kohler, véritable tour de contrôle et homme de confiance d’Emmanuel Macron, ne fait que commencer. Si l’on en croit l’enquête du média en ligne Blast , elle pourrait éclabousser le président de la République, pourtant si généreux en leçons de morale, notamment durant son premier débat avec Marine Le Pen.

Dupond-Moretti est plus bêtement accusé d’avoir profité de sa fonction pour régler des comptes avec des magistrats auxquels il s’était opposé lorsqu’il était avocat. Une histoire de vengeance recuite et d’abus de pouvoir – présumés, cela va de soi ! En attendant, il innove. C'est la première fois qu'un ministre français en exercice est renvoyé devant la CJR, juridiction spécialement chargée de juger les ministres ou ex-ministres pour des crimes ou délits commis dans l'exercice de leurs fonctions. Il risque cinq ans de prison et 500.000 euros d'amende. Évidemment, le garde des Sceaux n'envisage pas de démissionner, conteste et se pourvoit en cassation.

Pour la Macronie, la température vient de descendre de plusieurs degrés et il ne suffira pas de sortir le col roulé pour réchauffer l’atmosphère. Le pouvoir a certes une certaine habitude. Face aux affaires McKinsey, Alstom ou Rothschild, face aux accusations de mauvaise gestion voire de saccage du parc nucléaire, le pouvoir a pratiqué de la même manière : il s’est muré dans sa tour d’ivoire, attendant patiemment que les vents mauvais retombent. Mais ces affaires étaient complexes, elles ne touchaient pas de personnalités directement. Cette fois, il sera plus compliqué de se réfugier sur l’Aventin et de jouer, une fois de plus, le coup de la surdité soudaine.

Car les Français demanderont des explications. Sur la longueur de la procédure qui touche Kohler, par exemple : lancée en 2018, une première enquête du PNF a été classée sans suite en 2019. La procédure relancée par Anticor en juin 2020 n’aboutit que maintenant. Difficile, aussi, d’expliquer comment et pourquoi la décision de justice prise le 23 septembre ne parvient au public que le 3 octobre. Sur le maintien d’Alexis Kohler et de Dupond-Moretti dans leurs fonctions, enfin. Affaibli à l’Assemblée, affaibli dans l’opinion, contesté jusqu’au sein de ses troupes, désormais entouré de deux personnalités inquiétées par la Justice, Macron apparaît ballotté par la bourrasque alors que s'ouvre la session parlementaire. Jusqu’à quand les talents de mystificateur du Président masqueront-ils son mépris du peuple ? Le compte à rebours a commencé.

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03 octobre 2022 à 21:10

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51 commentaires

  1. Une remarque : madame Danièle Obono a été élue juge à la cour de justice de la République par l’Assemblée Nationale, sans doute à cause de sa neutralité et de son ouverture d’esprit. Face à elle, nul doute que le Garde des Sceaux devra manger son chapeau et avaler quelques couleuvres. Cela promet !

  2. Pour des affaires de ce genre, deux ans c’est peu, car pour une affaire de licenciement non justifié, j’ai passé des années avec mon avocat pour finalement aboutir à rien, mon avocat n’a même rien demandé pour son travail, et je regrette d’avoir entamé une procédure contre une société de logement alors que j’aurais été mieux inspiré en procédant contre le directeur et non la société. Il est parti plus tard à la retraite et moi, j’étais en procédure avec une femme nouvellle directrice que je ne connaissais pas et ne m’avait rien fait de répréhensible !!
    Donc, procéder contre des personnes et non des entreprises, des organismes, des administrations..

  3. Et pendant ce temps, les français anesthésiés et abrutis par les médias dansent dans les guinguettes comme en avril 40. Macron et sa clique ont bien raison d’en profiter.

  4. La présomption d’innocence ne contredit pas la suspicion. Sinon il n’y aurait jamais de procès en justice. Mais la compromission avérée de la macronie dépasse l’entendement de la tolérance. Alors les citoyens responsables, élus ou non, doivent tout faire pour qu’ils dégagent.

  5. Ce gouvernement va t’être celui qui a le plus de personnel en indelicatesse avec la justice et que ces dits individus vont rester rivés à leur siège !
    Pourquoi ne s’appellent ils pas tous Fillon, leurs affaires seraient réglées en 2 temps 3 mesures…
    Les quotidiens étrangers vont se régaler de pouvoir une de plus tacler la France donneuse de lecons !
    La fin des marches de l’escalier est proche… ils arrivent au tobogan qui va les précipiter dans les abîmes…

  6. Qu’on ne se fasse aucune illusion, il ne se passera rien, strictement rien. Si tous les politiciens macronistes devaient être poursuivis et condamnés, il ne resterait plus grand monde autour de Mr Macron. Et si les politiciens macronistes devaient répondre de leurs décisions ineptes comme la fermeture de réacteurs nucléaires ou la vente d’une partie d’Alsthom aux USA, Mr Macron lui-même serait sur la sellette. Alors, ils vont faire le dos rond, noyer le poisson, utiliser tous les procédés dilatoires pour retarder voire annuler les éventuelles poursuites. Et puis surtout, ils vont utiliser une stratégie qui a parfaitement marché durant le Covid et la guerre en Ukraine : la peur. À les voir s’exhiber en col roulé ou en doudoune, on devine qu’ils ont hâte de nous bourrer le crâne avec la sobriété énergétique, qui n’est que le résultat de leur impéritie et de leur médiocrité. Bien sûr, pour ces lumières, nous serons des citoyens intellectuellement limités, à qui il faudra tout apprendre, même à étendre notre linge, comme nous l’a gentiment expliqué Mr Legendre…

    1. Vous avez hélas peut-être raison. Mais pourtant nous ne pouvons pas laisser cette médiocrité et ces compromissions diriger notre pays.
      Nous de nos nous rassembler pour les chasser.

    2. Et si on se mettait à porter chemise et cravate, pour leur faire la nique. ( Avec un thermolactil en dessous évidemment ).

  7. La question à se poser, comme pour un grand nombre d’autres situations/cas, que font « nos » sénateurs et députés, ces élus a priori payés pour nous défendre, défendre notre pays, les institutions, ces garants de la loi et la justice, que font-ils donc, où sont-ils donc et à quoi donc sont-ils payés ?

  8. L’entourage de Macron c’est une chose, mais personne n’ose parler du financement de sa campagne électorale ;
    Comment à-t-elle été financée et par qui ???

    1. Très juste!
      Griveaux…une autre lumière, avait déjà dit en 2017 que les donateurs par CB étaient très difficiles à identifier…Et les bobos débiles et trouillards les ont réélus…

  9. « Le compte à rebours a commencé »
    J’espère que ce compte à rebours est quasi sur la fin et que l’on va être débarrassé de cet homme qui ne nous aime pas.

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