Jean-Yves le Taciturne fait la leçon aux petits marquis de la Macronie

Jean-Yves Le Drian

C’est, dirons-nous, un taiseux. Pas du genre à arriver sur un plateau télé avec son bidon de deux litres d’huile pour le jeter sur les feux de la rampe. Je veux parler de Jean-Yves Le Drian, ministre sans discontinuer depuis bientôt sept ans et rescapé du hollandisme flamboyé. Depuis deux mois que la crise des gilets jaunes a éclaté, on ne l’a pas beaucoup entendu. Il est vrai que, maintenant, il « travaille à l’international », comme on dit dans les grandes entreprises.

Deux secondes de politique-fiction : et s’il avait été ministre de l’Intérieur, comme certains l’avaient évoqué un temps, lorsque Gérard Collomb s’en retourna à Lyon, en serions-nous là aujourd’hui ? Pendant cinq ans, il a été ministre de la Défense et sait que les armes ne sont pas en plastique et que les balles ne sont pas faites avec des bouchons de côtes-de-Provence. Refermons cette parenthèse fictive. Mais il est vrai qu’on ne dira jamais assez le rôle crucial du DRH dans une entreprise, start-up nation ou pas. Mettre les bonnes personnes au bon poste, ça ne s’improvise pas.

Un taiseux, le Jean-Yves, disions-nous. Et, le 9 janvier, lors du séminaire gouvernemental qui suivit le Conseil des ministres, il se serait lâché. Gérald Darmanin, le petit Sarkozy des corons, sans doute tout frétillant de voir que, pour l’instant, la mise en place de l’impôt à la source se déroule plutôt bien, a sorti de son petit cartable la réforme de la fonction publique et de l’État qui pourrait voir, notamment, la remise en cause du statut des fonctionnaires. La crise des gilets jaunes n’est pas réglée – et pour cause – et Darmanin voudrait dérouler la feuille de route comme si de rien n’était, parce que c’était dans l’agenda. Alors Jean-Yves Le Drian, qui a un peu de bouteille et certainement du bon sens, aurait remis en place le blanc-bec : "Il faut peut-être arrêter les bêtises. On a déjà une crise sur les bras, on ne va peut-être pas y rajouter les fonctionnaires." Et l’ancien président de la région Bretagne d’ajouter : "Les agents de l’État ne sont pas forcément des technocrates, ils sont aussi des aides-soignants, infirmières, douaniers, policiers, etc. Il ne faudrait pas aggraver la situation." Effectivement, Darmanin devrait lire ou, tout du moins, écouter le général Desportes, histoire de prendre des leçons de stratégie appliquées à la politique ! "Le stratège a besoin de points d’appui pour faire levier. Il est impossible de réformer simultanément le centre et la périphérie, de s’attaquer en même temps à l’État et aux collectivités territoriales..." Le bricoleur aussi a besoin d'appui pour ne pas se casser la figure. On devrait y réfléchir, au gouvernement. Cette phrase, en tout cas, est sévère pour le Président car, finalement, Darmanin n’est que le grouillot d’Emmanuel Macron. Elle conforte l’idée que le quinquennat, tout du moins au plan programmatique, est aujourd’hui bien compromis.

On aurait aimé être petite souris pour assister à la scène : d’un côté, un grand féodal de la politique, Jean-Yves le Taciturne, de l’autre, de petits marquis qui confondent un chariot élévateur avec une division de panzers. Il ne manquerait plus qu’il s’en retourne dans sa Bretagne ! À moins qu’il ne soit le dernier joker pour Matignon, comme certains l’évoquent, avant une éventuelle dissolution. C’en serait alors définitivement fini du nouveau monde qui n’a jamais existé. Jean-Yves Le Drian obtint son premier mandat politique en 1977 comme conseiller municipal de Lorient. 1977, l’année de naissance d’Emmanuel Macron…

Georges Michel
Georges Michel
Editorialiste à BV, colonel (ER)

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