Si on veut établir une liste exhaustive des micro et maxi scandales de la Cinquième République, il serait préférable, comme support papier plutôt que cet article électronique, de choisir un volume de la Pléiade en police Garamond corps 9 et papier bible 36 grammes. Dans le chapitre En Marche, où pourrait-on classer le scandale d’Ibiza, comparativement à la mise en branle de Benjamin Griveaux, la bamboche de Christophe Castaner, les investissements de Richard Ferrand, les excès de zèle d’Alexandre Benalla et le homard de François de Rugy ?

Si Mediapart, reconverti sur ce coup en paparazzi de bas étage, avait volé une image d’un Jean-Michel Blanquer éméché, chapeau pointu sur le chef, langue de belle-mère au bec et s’accrochant à la robe de strass d’une Spice Girl sur le retour devant le 10 Downing Street, on aurait applaudi des deux mains et exigé que notre ministre de l’Éducation nationale soit enchaîné à BoJo et monte dans la charrette en direction de la place de l’Estrapade, qu’elle soit londonienne ou parisienne. À cette occasion, l’un aurait pu refiler à l’autre sa perruque improbable pour lui éviter un coup de froid. De quels crimes inexpiables Jean-Michel Blanquer est-il coupable ? D’avoir peut-être cédé à sa promise sur le choix d’une destination très connotée bling-bling ? D’avoir recherché un peu de soleil pour sortir du brouillard dans lequel il se perd et toussote ? De ne pas avoir agi en politique madré en oubliant que, dans notre merveilleuse société transparente sous l’œil Big Brother des réseaux asociaux, il faut apprendre à se méfier de tout comme de son ombre... ou de ses meilleurs amis.

Il aurait mieux fait de faire sa déclaration à Galaswinda, au camping des Flots bleus ou dans cette charmante ville de la Creuse au nom si évocateur qu’est La Souterraine. Les tenants de l’exemplarité égalitariste en auraient été satisfaits... pour un temps.

Que le corps professoral s’empare de cet événement minuscule est de bonne guerre. L’occasion est trop bonne pour qu’il ne déverse pas les flots de ses revendications habituelles. Mais il est contre-productif que toute l’opposition en fasse de même en se dispersant dans l’insignifiant. Elle se serait même grandie en balayant cette broutille d’un revers de la main. Mieux vaudrait, au lieu d’aboyer de façon pavlovienne à chaque os qu’on lui offre, qu’elle garde ses morsures pour des combats plus vitaux sous peine de perdre toute crédibilité, à l’instar du berger qui cria tant au loup qu’il finit dévoré sans que plus personne ne daigne l’écouter.

Tout en vice boiteux, Talleyrand, grand maitre manœuvrier, avait énoncé cette évidence : « Tout ce qui est excessif est insignifiant. » On peut lui faire confiance. Il a fait ses preuves dans les techniques de survie du Koh-Lanta politique.

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20 janvier 2022 à 12:08

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