Italie : la rue contre les palais
"Quelques jours pour faire un gouvernement Lega/M5S ou quelques heures ; qui le sait..." C’est ainsi que Matteo Salvini, levant les yeux au ciel, répond à un journaliste à sa sortie de l’entretien avec Sergio Mattarella, président de la République Italienne. Pas encore de président du Conseil.
Parmi les noms qui circulaient, on relevait depuis hier ceux de Giulio Sapelli et Giuseppe Conte, universitaires assez libéraux et pro-américains, mais critiques du fonctionnement de l’Union européenne, laquelle, soyons-en sûrs, mène le blocage en sous-main. Les hypothèses d’un gouvernement « technique » ou d’élections anticipées refont surface.
Boulevard Voltaire et Riposte laïque m’ont fait l’amitié de publier une dizaine d’articles dans lesquels j’ai essayé de montrer la subtilité et la férocité des propos, mais aussi de tempérer les joies de ceux qui voyaient dans l’Italie une sorte de fille de la Hongrie et du Brexit. Même si un gouvernement politique finit par émerger, je reste convaincu qu’il sera renversé ; l'Union européenne ne peut accepter des populistes à Rome, seraient-ils tenus en laisse et aux désirs édulcorés ; particulièrement au moment de la sortie du Royaume-Uni.
Malgré les différences d’approche ou de fond, les dirigeants de M5S et de la Lega ont appris -vite - à surmonter les difficultés, du contact entre adversaires, de la transaction, de l’acceptation des sensibilités. "On change les rituels politiques, on discute ensemble de ce qui intéresse les Italiens", explique Di Maio. "Je remercie Di Maio et M5S avec qui nous travaillons jour et nuit", répond Salvini. Et Beppe Grillo, qui appelle les deux Matteo "i ragazzi", dit : "Les jeunes travaillent bien, ils ont montré que l’on peut s’asseoir avec quiconque, les idées ne sont pas de droite ou de gauche, mais bonnes, mauvaises ou médiocres.".
« E la libertà non viene perché non c’é l’unione », disent les paroles d’une chanson titrée « La lega », cela ne s’invente pas !
L’union populiste se réalisant, même a minima, pourrait être dévastatrice pour l’ordre mondialiste et sa succursale bruxelloise ; ses représentants transalpins, le Partito Démocratico et Forza Italia, s’agitent encore, espérant la déconfiture des deux « dérangeants ». Ainsi l’ancien député européen, ministre de Berlusconi, réélu député, Renato Brunetta monte au front sans nuance : "Nous ne voterons jamais la confiance à un gouvernement M5S-Lega. [Il faut] un gouvernement du président jusqu'à fin décembre, même minoritaire (pour gérer le budget d’austérité) puis retourner aux urnes au printemps. […] désolé pour Salvini mais il s’est mis avec une bande de nuls. […] cela devient grotesque."
En écho, Maurizio Martina, le secrétaire du Partito Démocratico, responsable de la situation sociale et économique de l’Italie, n’hésite pas à déclarer : "Lega et Cinque Stelle sont paralysés […] [le pays] a besoin de clarté et de certitude. Autre chose qu’un gouvernement de changement." On ne peut être plus clair ! Et plus cynique !
Légitimité populaire contre orthodoxie technocratique, partout en Europe l’affrontement est de plus en plus explicite ; d’ailleurs, le Premier ministre de la matinée, Giulio Sapelli, avait écrit, le 12 mai : « L’Europe technocratique est délégitimée elle se sentira blessée par le retour de l’Italie à la démocratie parlementaire. » Cet après-midi, il n’hésite pas à révéler des « pressions énormes » sur les chefs populistes.
"Démonter l’UE pour la refaire", le plan M5S/Lega risque de ne pas voir le jour et, déjà, la presse européiste exulte : "Les deux amis de nouveau éloignés", titre Il Sole 24 Ore.
Samedi et dimanche, la lutte des peuples européens, pour l’expression réelle de leur volonté politique, va, en Italie, connaître un nouvel épisode : la Lega organise une consultation publique, sorte de poursuite référendaire du combat contre l’aristocratie européenne. La rue contre les palais.
Je laisserai le mot de la fin à Salvini : "Ou on renégocie les liens de l’Union européenne, ou c’est un carnet de rêves."
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