Ingérence étrangère : le RN tente de garder le contrôle !

Le rapport n’a pas plu au Rassemblement national. Le président de la commission d’enquête « relative aux ingérences politiques, économiques et financières de puissances étrangères », le député de la Somme Jean-Philippe Tanguy, ne s’en cache pas. En conférence de presse cet après-midi, le député s’est vu comme un juge se défendant face à son propre procureur sous le regard hilare de l’accusé. Premièrement parce que ce rapport, censé demeurer secret jusqu’au 8 juin, a fuité dans la presse, qui a pu titrer « Le RN courroie de transmission du discours de la Russie », deuxièmement parce que ce rapport, rédigé par la secrétaire de la commission, la députée Renaissance Constance Le Grip (ex-LR passée chez Macron), a été jugé grandement contestable sur le fond par Tanguy, qui dénonce « un rapport orienté sur la politique internationale du RN et non sur l’ingérence ».

Ils étaient lassés des vieilles ritournelles russophiles qui « remontaient à chaque campagne présidentielle », pour paraphraser le député de la Somme Jean-Philippe Tanguy. Le 27 octobre 2022, usant le droit de tirage du groupe, il cosignait avec Jordan Bardella une proposition de création d’une commission d’enquête sur le financement étranger des partis. Par le truchement de l’hyperactif député de la Somme, le RN a officiellement demandé « d’établir s’il existe des réseaux d’influence étrangers qui corrompent des élus, responsables publiques, dirigeants d’entreprises stratégiques ou relais médiatiques dans le but de diffuser de la propagande ou d’obtenir des décisions contraires à l’intérêt national ». À l’époque, la majorité avait sévèrement tiqué et avait fait des pieds et des mains pour démolir le bien-fondé d’une telle initiative. Le député Renaissance Pieyre-Alexandre Anglade avait souligné ses grandes réserves et appelé à définir avec rigueur le champ et la méthode des investigations pour éviter le grand n’importe quoi. « Mon groupe est gêné », a renchéri la socialiste Cécile Untermaier, en estimant que le libellé de la commission « pose des problèmes par rapport au sérieux des travaux de l’Assemblée nationale ». Une attitude que la majorité confirmera en s’opposant, d’ailleurs, à de nombreuses auditions demandées par les cinq députés du RN sur trente qui composaient cette commission. Ainsi, des Jean-Pierre Raffarin et autres Jean-Marie Le Guen n’auront jamais été entendus, tandis que Marine Le Pen a eu droit à quatre heures d’audition. « Jamais entendus car sans doute compromettants pour la Macronie », a dénoncé, cet après-midi, Jean-Philippe Tanguy en conférence de presse.

Une arme retournée ?

Au fond, on oublierait presque que ce rapport parle d’une commission sur les ingérences étrangères, tant les éléments sortis dans la presse font penser à un procès à charge contre le RN. En cause, outre ce prêt russe, les déclarations de Marine Le Pen entérinant l’appartenance de la Crimée à la Russie. « Ce n’est en rien une preuve d’ingérence, c’est un jugement sur la vision de la politique internationale du RN », martèle Tanguy, qui dénonce le détournement des objectifs de « sa » commission. Mais pouvait-il en être autrement ? Le RN, fidèle à sa stratégie d’ouverture, et pour contrer toute accusation de subjectivité, a accepté d’être minoritaire au sein de sa commission et a laissé à la majorité relative le poste de secrétaire (la députée Constance Le Grip). Au fond, ils ont laissé à ceux qui seront leurs premiers adversaires, lors des élections européennes, le soin de réécrire le récit de ces heures d’auditions pour certains accablantes pour la majorité qui, à force de rallier à gauche et à droite, porte le bilan indifférencié de l’héritage des présidences de droite et de gauche. Car au fil des différentes auditions, on touche du doigt que la réelle ingérence étrangère qui sévit en France est à l’Ouest et non à l’Est. Mais les opposants du RN n’en ont cure. Et ils tiennent là une fameuse revanche contre Jean-Philippe Tanguy. « Ils voulaient balayer des accusations, ils les ont gravées dans le marbre », affirme Julien Bayou. L’ancien patron des écologistes s’est bien remis de l’opération de déconstruction lancée par Sandrine Rousseau. Opportunément placé à la sortie de la conférence de presse du président Tanguy, il n’a pas manqué d’enfoncer un clou déjà martelé par la majorité. « Voulue par le RN, la commission d’enquête sur les ingérences étrangères accable le clan Le Pen et démontre son allégeance à la Russie de Poutine », se félicite, pour sa part, le député Renaissance Sacha Houlié, par ailleurs président de la commission des lois.

Un blanchiment coûteux

« Je suis certain que vous n’êtes pas celle que certains disent… Vous avez l’air trop sympathique. » Ces mots du président tchadien Idriss Déby adressés à Marine Le Pen, dans le cadre d’une visite diplomatique de la candidate lors de la campagne présidentielle de 2017, ont le mérite de synthétiser l’objectif politique de cette commission d’enquête : blanchir Marine Le Pen et en finir avec les vieilles accusations. En bref, profiter des cinq ans du RN pour en finir avec le FN. Néanmoins, tant que le rapport n’est pas officiellement publié, on peine à trouver le gain politique en l’état, au vu des premières réactions et des coups politiques des opposants du parti à la flamme. « Nous appliquons nos principes, même s’ils nous sont défavorables », a coutume de rappeler Marine Le Pen à ses députés. À court terme, le RN a donné du grain à moudre à ses adversaires, mais à moyen terme, Tanguy martèle : « Au terme de cette commission, je peux regarder les Français dans les yeux. » Reste à espérer pour le RN que les Français préfèrent lire un rapport plutôt que les déclarations de leurs opposants…

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