Il y a 80 ans débutait la bataille de Bir Hakeim

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Rétrospectivement, les mémoires des acteurs de ce combat nous bouleversent encore. Écoutons de Gaulle, lorsqu'il apprend la nouvelle de l'héroïque victoire tactique de Koenig, prélude à la victoire stratégique anglaise d'El Alamein : « Je remercie le messager, le congédie, ferme la porte. Je suis seul. Oh ! cœur battant d’émotion, sanglots d’orgueil, larmes de joie ! » C'était l'époque où on ne pleurait pas tant qu'on n'était pas tout seul. Il est rare toutefois que de Gaulle se livre à de telles confidences. Parmi les héros qui ont combattu à Bir Hakeim, on trouve non seulement Koenig, mais également le prince Amilakvari, officier de Légion, ou encore Hubert Germain, dernier compagnon de la Libération, qui s'est éteint l'année dernière.

En mai 1942, l'Axe était au sommet de sa forme. En Afrique du Nord, singulièrement, Erwin Rommel, un tacticien de génie, pouvait compter sur son Afrika Korps. « Wüstenfuchs », le renard du désert, s'oppose aux Britanniques pour le contrôle du Machrek. Il dispose, au moment du lancement de l'action, d'un contexte favorable : les nageurs de combat italiens du « Principe Nero », Valerio Borghese, ont coulé deux cuirassés anglais ; l'Abwehr a réussi a décrypter les communications chiffrées entre Britanniques et Américains. Les Britanniques sont moins aguerris au combat désertique et Rommel, basé en territoire italien (puisque la Libye appartient au Duce), espère non seulement relancer son action mais aussi couper en deux le contingent britannique, puis pousser jusqu'au canal de Suez, en Égypte. Ensuite, c'est le Moyen-Orient, le point de bascule.

Sur la route des Allemands, Bir Hakeim est un camp retranché français, exposé à tous les regards. C'est, dira le général Saint-Hillier qui y était, « un simple croisement de pistes », valorisé par un « marais de mines » et défendu par des canons de 75. Le camp est défendu par la 1re brigade française libre du général Koenig (illustration). C'est un agglomérat de Français du monde entier, des colonies, de l'outre-mer, de métropole, d'Afrique, de Tahiti, des comptoirs indiens ou du Liban alors sous protectorat français, des légionnaires. Koenig, selon une méthode qu'il a connue dans les tranchées, fait creuser des abris dans la roche, à coups de barre à mine. Et il attend que les Allemands lancent les hostilités.

Dans la nuit du 26 au 27 mai 1942, les Italiens, en avant de la colonne allemande, attaquent les Britanniques au sud de Bir Hakeim. Les pertes sont importantes de part et d'autre. Koenig, dès qu'il est informé, active les postes de combat. Le 27 à 9 heures, la division blindée italienne Ariete fonce bille en tête sur Bir Hakeim : ses chars sautent sur les mines françaises ; les derniers finissent face aux canons de 75 qui les traitent presque à bout portant (200 à 400 m). En moins d'une heure, la division est tactiquement détruite. Deux jours plus tard, après que les Français ont réussi, in extremis, à recevoir une cargaison d'eau, Rommel prépare le siège. Sa proposition de reddition est repoussée par un symbolique coup de canon. La préparation d'artillerie allemande est alors d'une violence peu commune. Les Français, embossés, avec une vue imprenable sur l'approche allemande, ont fait de leurs faiblesses autant de forces.

Du 6 au 10 juin, les Français de Koenig repoussent tous les assauts allemands, avec une précision et une furie, la vieille furia francese de Pavie, qui clouent au sol les tentatives allemandes et font naître une admiration inquiète chez les généraux allemands. Le général von Mellenthin, de l'Afrika Korps, dira n'avoir jamais affronté, durant la guerre du désert, « une défense aussi acharnée et héroïque ». Rommel, lui, commence à faire de cette conquête de Bir Hakeim une obsession. Après d'épiques ravitaillements par la RAF, Koenig, qui vient d'adresser un message à ses hommes pour leur demander de ne pas se laisser aller à la fatigue, apprend qu'il va pouvoir évacuer la position. Les Britanniques, grâce à la solidité de la résistance française, ont pu se réorganiser. Dans la nuit du 10 au 11, la garnison française est évacuée avec brio. Le recueil des troupes de Koenig par les Anglais, au sud-ouest de Bir Hakeim, est un cas d'école. Lorsque Rommel lance ce qu'il croit être un coup de grâce, le 11 au matin, la place est vide. Les Allemands sont partagés entre la déconfiture et l'admiration. Hitler lui-même rendra hommage à la valeur des troupes françaises, qu'il considère comme les plus puissantes et les plus héroïques... après les Allemands.

Quatre-vingts ans plus tard, profitons de ce pont de l'Ascension, dans nos vies parcourues de dérisoires notifications et abruties par les lumières des centres commerciaux, pour rendre hommage à ces combattants du désert, du silence et de l'héroïsme pur. Chaque époque produit ses propres chevaliers. Parmi eux, retenons le nom d'Edgar de Larminat, l'un des héros de Bir Hakeim, qui sera désigné par de Gaulle pour juger les putschistes en 1962. Il se brûlera la cervelle pour ne pas avoir à choisir entre l'honneur et le devoir. Quand on est un samouraï, c'est jusqu'au bout de soi-même.

Gloire aux soldats de Koenig. Que leur sacrifice et leur héroïsme bien français nous inspirent.

 

Arnaud Florac
Arnaud Florac
Chroniqueur à BV

Vos commentaires

16 commentaires

  1.  » Dans la nuit du 10 au 11, la garnison française est évacuée avec brio. » D’autant plus que son médecin (Commandant Vialard-Godou) s’est permis de sauver la totalité des blessés de son infirmerie de campagne, au nez et à la barbe des troupes allemandes.

  2. De 1945 a 1949, je vivais en Allemagne occupée, mon père étant Commissaire-Interallié de la Commission de Controle des Industries-Chimiques Allemandes. Pierre Koenig était Commandant de la ZFOA ( Zone-d’Occupation-Française-en-Allemagne ). Il se disait qu’a Bir-Hakeim, Koenig avait envisagé de se rendre à Rommel, et que c’est Amilakvari qui l’en a empêché en menaçant de l’abattre. Amilakvari a été tué à El-Alamein. C’est finalement Mitterand qui a donné le bâton à Koenig, dix ans après sa mort.

  3. Bir-Hakeim c’est un Camerone victorieux. Honneur et gloire à ces soldats (dont faisait partie mon père engagé volontaire dans les FFL et mon oncle dans la 13e DBLE) qui ont permis la libération de la patrie par leurs actes héroïques.
    Ils seraient révulsés aujourd’hui devant l’état affligeant de notre pays.

  4. Nous avons eu de grands généraux, dignes de rester dans l’histoire. Qui sait encore que Weygand a permis en soutien au Maréchal Pildsudzky de faire front face à l’armée rouge en 1919 (miracle de la Vistule) ? L’histoire, réécrite, n’a pas retenu son nom.

  5. Saluons le courage et la force de ses chevaliers du désert, quelque soit leur camp.
    Rien ne sert de pleurer, sur la misère de notre pauvre France: reconstruisons là en boutant hors de notre vue ses incapables qui détiennent le pouvoir depuis trop longtemps, retroussons nos manches et prenons leurs places.

  6. Imaginez un peu ce qu’ils penseraient à la vue de ce qu’est devenu notre pays !… Avec les tocards qui se sont succédés depuis 40 ans, il est devenu la risée du monde, il s’effondre, il est en état de décomposition avancée et il est notre honte.

  7. Merci pour cet article commémoratif, en particulier pour ses dernières lignes qui rappellent que le conflit entre l’honneur et le devoir est parfois ingérable. La sortie d’Algérie reste une épine dans la chair de si nombreuses personnes…

    • hélas et nous payons le prix fort maintenant, ce n’est que le début si le peuple ne réagit pas

  8. Disons aussi que Rommel a été bien aidé par son opposant anglais Montgomery.
    Dien Bien phu a été la réplique de Bir Akeim, la même armée, la même résistance
    et ces hèros, bardé de médailles ayant risqué millefois leur vie pour la France
    ayant vaincu le FLN, se rebelleront devant l’ abandon de l’ Algérie s’ étant fié à ce « Algérie française  » prononcé par De Gaulle à Alger.

  9. Ne pas oublier la 13e DBLE qui était présente à Bir Hakeim, existe encore et vient de commémorer samedi cette bataille dans sa base du Larzac (sud Rouergue). Ne pas oublier non plus que les descendants des tirailleurs sénégalais (Burkina notamment) et de l’Oubangui Chari ont à faire face à l’islamisme et à supporter ‘Wagner’ (RCA)

    • Vous citez l’ Oubangui Chari en nommant aussi le Burkina alors rendons à César la haute Volta

  10. Mon père était à Bir Hakeim, il se demanderait aujourd’hui pourquoi ils se sont tant battus, en voyant l’état de notre pays. Tant de sacrifices pour défendre la France, son mode de vie, son peuple. Notre seul combat maintenant est de donner nos voix aux partis capables de protéger ces valeurs. Mais je crains que beaucoup de nos compatriotes se laissent berner par les effets de manches des politiques au pouvoir.

    • mon père était Français Libre (FAFL) s’il voyait la France maintenant il serait fou de rage et de colère. nous avions des héros, des combattants qui se battaient pour la gloire de la France. nous avons maintenant des pourris qui se foutent complètement du pays. heureusement il reste malgré tout des militaires qui croient encore au drapeau et qui sont capables de se sacrifier pour nos couleurs.

  11. Si l’armée du désert voyait le désert pour lequel ils se sont sacrifiés. Le chaos dans lequel notre société est plongée ne permettra bientôt même plus d’honorer nos héros.

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