IFI contre ISF : I’immobilier empêche-t-il vraiment l’argent de circuler dans l’économie comme le prétend Emmanuel Macron ?

vieille maison

Il l’aime, il le protège, il le défend. C’est son bébé, son gadget, sa danseuse et sa chose : son IFI chéri. L’impôt sur la fortune immobilière. Tandis que des voix s’élèvent pour réclamer le retour à l’ISF, il tient bon, il garde le cap : jamais ! Il ne veut plus taxer QUE l’immobilier… et il répète le même argument à l’envi : comme son nom l’indique, l’immobilier immobilise l’argent au lieu de le réinjecter dans l’économie. Mais bien sûr !

Rassurez-vous, vous sera épargné aujourd’hui le plaidoyer lyrique pour le patrimoine, l’enracinement, le conservatisme, la terre et les morts chers à Barrès (malgré tout le bien que j’en pense !). Vous sera aussi fait grâce du pamphlet au vitriol sur le citoyen idéal, naissant enfant trouvé et mourant célibataire tel que décrit par Renan (malgré tout le mal que j’en pense…) pour rester sur le terrain prosaïquement économique, celui de l’argent sonnant et trébuchant.

Prenons l’exemple de ces deux ménages parisiens relativement aisés qui, chaque mois, peuvent mettre un peu d’argent de côté.

À ma gauche, Monsieur et Madame Tartempierre, qui ont fait le choix d'une résidence secondaire. De la vieille pierre dans le Loir-et-Cher. Parce que ça ne les gêne pas de "marcher dans la boue", parce qu’il se trouve qu’ils sont originaires de cette région et parce que, comme le chantait Francis Cabrel, ils n’ont rien trouvé mieux que "ce lopin de terre avec ce vieil arbre planté au milieu qui réchauffait leur père et la troupe entière de leurs aïeux". Oui, oui, je m’arrête là, j’ai promis que je n’en parlerai pas. Mais on me concédera qu’acheter dans ces coins se fait rarement pour une autre raison que celle-là.

Monsieur et Madame Tartenaction, à ma droite, sont, eux, des citoyens du monde ; leur résidence secondaire, c’est l’aéroport, car ils n’aiment rien tant que voyager.

Tandis que Monsieur et Madame Tartempierre donnent du travail aux artisans locaux pour retaper leur masure, tandis qu’ils font leurs courses, durant les vacances, chez le maraîcher du coin, et même, lorsqu’ils louent leur bien - le produit en sera lourdement taxé -, dynamisent l’économie locale en attirant une famille d’Australiens ou de Hollandais qui consommeront dans les environs, Monsieur et Madame Tartenaction hésitent entre les Seychelles et Saint-Domingue, qu’ils ont toujours rêvé de découvrir. Ils enrichiront donc une compagnie aérienne internationale, un club de vacances à l’autre bout du monde ou, éventuellement, la plate-forme Airbnb. Mais certainement pas "la France périphérique" qui manifeste chaque week-end sous leurs fenêtres de bobos parisiens. En même temps - comme dirait leur mentor -, soyons honnêtes : ils n’ont jamais prétendu vouloir l’aider.

Bien sûr, sur les conseils de leur banquier, ils investissent dans des produits financiers. Des sociétés qui in fine, peut-être, parfois, emploient des salariés français - quand elles ne délocalisent pas -, mais ce ne sont certainement pas les conditions de vie de l’électricien, du plombier, du boulanger de la Creuse qui s’en trouvent améliorées.

Naturellement, allez-vous m’objecter, l’IFI tel qu’il est conçu aujourd’hui ne touche que les TRÈS grandes fortunes immobilières. Les châtelains, les nantis, vous voyez.

Au mois de décembre dernier, Ouest-France livrait à ses lecteurs un reportage dans le Maine-et-Loire. Pas si loin du Loir-et-Cher. Le sujet était tout entier contenu dans la rime du titre : "Ce trentenaire a hérité d’un château et ce n’est pas un cadeau." Il le tenait de sa grand-mère. Et, depuis 2014, se débattait pour surnager.

"Vous avez un château, donc vous êtes riche…" "C’est faux ! J’ai un château et c’est plutôt un sacerdoce", lâche-t-il une fois dehors, au pied de marches plus que centenaires. À côté, sa petite voiture et, sur le tableau de bord, un gilet jaune." C’était la conclusion de l’article.

L'IFI chéri est encore une jolie nique à la France périphérique. Et aussi à tout son patrimoine magnifique.

Gabrielle Cluzel
Gabrielle Cluzel
Directrice de la rédaction de BV, éditorialiste

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