Hong Kong contre Pékin : à l’aube d’une guerre civile ?

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Manifestement, l’argent ne fait pas le bonheur. Hong Kong, malgré son statut de place forte financière (entre le troisième et le cinquième rang mondial, avec 61.015 dollars par habitant en 2017), fait trembler le pouvoir central chinois comme jamais auparavant. Un cap, en matière de violences, a été franchi au point même de préparer, de la part de Pékin, une répression militaire : « L’Armée populaire de libération s’est massée à Shenzhen, ville limitrophe de Hong Kong, en vue d’exercices à grande échelle », a annoncé le Global Times (version anglaise du journal pro-Pékin Huanqiu Shibao), le 12 août. Une vidéo diffusée par son compte Twitter montre une dizaine de blindés arrivant dans la cité cantonaise. Seulement, la propagande gouvernementale ne se contente pas du « choc des photos » mais fait valoir aussi le « poids des mots » : elle indique vouloir réagir face à des actes « quasi terroristes ».

Au bout de onze semaines de contestation massive contre le projet de loi autorisant l’extradition de n’importe qui pour n’importe quel motif, surtout politique, et la chef du gouvernement local Carrie Lam, les rebelles cantonais occupent l’aéroport international HKG, ceci bloquant tous les vols. En outre, touristes, journalistes et policiers en civil, dès lors qu’ils sont chinois du Nord, ont à craindre des agressions féroces. Dernier fait en date, un journaliste du même Global Times aurait été, le 13 août, roué de coups et attaché à un chariot à bagages. « Les émeutiers de Hong Kong sont les eaux sales du courant de l’Histoire qu’il est indispensable d’évacuer », ce sont « des individus qui sèment le désordre et la violence », aurait été déclaré au journal télévisé de la chaîne CCTV.

Il faut rappeler que la dimension ethnique de la crise est largement méconnue, voire totalement éludée. Par ailleurs, plus que la province du Guangdong (Canton), c’est tout le sud de la Chine qui est concerné, celle également du Fujian, de Taïwan et de Macao. Alors, dans un tel climat de haine réciproque, toute la question est de savoir qui est à la manœuvre de ce vaste mouvement insurrectionnel, si ce n’est encore clairement révolutionnaire.

Washington – actuellement en conflit ouvert avec le président Xi Jinping sur les volets commerciaux, financiers et monétaires – fait l’objet d’une théorie du complot dénonçant sa mainmise sur l’ancienne colonie britannique. Ce que la Maison-Blanche a nié catégoriquement le 14 août : « Nous rejetons catégoriquement les fausses accusations selon lesquelles des forces étrangères seraient les mains invisibles derrière les manifestations. »

Qu’il y ait un pilotage états-unien, voire sorosien, ou pas, il faut tenir compte des paramètres proprement asiatiques de la situation. Dans une grande enquête intitulée Yakuza, la mafia japonaise (Éditions Philippe Picquier), les journalistes américains David Kaplan et Alec Dubro expliquent, entre autres, dans quelle mesure les triades ont toujours joué les premiers rôles dans l’organisation d’une prise de pouvoir dans la région : celle de Sun Yat-sen en 1911, comme celle de Tchang Kaï-chek et son fils, à Taïwan, entre 1947 et 1987 (« Terreur blanche »).

L’Histoire semble bégayer parfois : les mêmes éléments pour une même guerre de tranchées entre deux Chine, entre celle des provinces et celle de l’empire. Celle du jeu et celle de la discipline… En attendant, le chaos est immuablement provoqué par l’opposition de contraires légitimes.

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 09/01/2020 à 18:06.
Henri Feng
Henri Feng
Docteur en histoire de la philosophie

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