C’est une grande première. Pour la première fois, un film issu de la franchise Star Wars - Solo, en l’occurrence - serait en passe, non point de gagner de l’argent, mais d’en perdre. Certes, Hollywood est une industrie ; ce, depuis sa naissance au début du siècle dernier, en étroite accointance avec la Maison-Blanche. Mieux : une machine de guerre vouée à la propagation des valeurs américaines de par le vaste monde. Mais, à l’instar de toutes les machines, celle-ci s’enraye.

À cet état de fait, deux facteurs. Le premier tient à l’inflation des budgets. Le second, à l’âge de l’actuel spectateur défini comme un adolescent entre douze et quatorze ans se goinfrant de pop-corn devant des films montrant des super-héros mondialisés dont le seul point commun, hormis un patriotisme messianique des plus niais, consiste à mettre son slip par-dessus le pantalon.

Le second est une simple affaire de gros sous. À propos de ce second point, remarquons que lorsque le génial Sam Raimi entame la première trilogie des Spiderman, au début de ce millénaire, il tourne le tout pour une grosse poignée de billets. Lointaine époque, sachant qu’aujourd’hui, un film de ce calibre ne se tournerait pas à moins de trois cents ou cinq cents millions de dollars ; chiffre à multiplier par deux, frais de promotion mondiale obligent. Résultat ? À moins d’un milliard de recettes, la meringue se gaufre et le soufflé retombe.

À en croire l’actrice Jodie Foster, conscience de la gauche hollywoodienne, mais indéfectible soutien du génial et, paraît-il, « infréquentable » Mel Gibson, « le cinéma ressemble de plus en plus à un parc d’attractions ». Il est un fait que tout cela n’est pas tout neuf, à ce détail près que les nababs fondateurs d’Hollywood savaient au moins compter et ne mettaient pas toutes leurs pépettes dans le même panier.

Leurs descendants ne font pas preuve de la même sagesse. Et, contrairement aux actuels dirigeants du studio Walt Disney, leurs ancêtres n’auraient sûrement pas dépensé plus de trois milliards de dollars pour racheter la franchise de La Guerre des étoiles, quitte à produire des films de plus en plus hasardeux, de moins en moins cruciaux, juste histoire de faire tourner le tiroir-caisse. Quand on y songe, il en va du nouvel Hollywood comme de toutes les arnaques financières : tant que cela ne casse pas, ça passe ! Après ? Après, mort à ceux qui seront passés après et paieront les pots cassés !

À en lire la presse financière, c’est d’ailleurs ce que tout le monde attend : la plantade magistrale, la boulette, le faux pas ; avec Solo, donc, film consacré à la jeunesse du héros jadis incarné par Harrison Ford, sorte de grand frère de Luke Skywalker, lors du premier Star Wars sorti en 1977. Malgré un budget délirant et une promotion plus qu’envahissante, le vistamboire ne rentre pas dans ses frais. Et c’est la pyramide de Ponzi, façon subprime sur grand écran, qui serait à deux doigts de s’écrouler, pour peu qu’un film de ce genre ne rentre pas dans ses frais.

Pour mémoire, on rappellera que lorsque George Lucas sort La Guerre des étoiles, il réalise le film que tous les adolescents d’alors rêvaient de voir un jour. C’est un choc. Mais surtout un film à petit budget, une œuvre d’artisan passionné ayant biberonné au Septième Voyage de Sinbad, joyau signé Nathan Juran en 1958, dont les effets spéciaux, signés du génial Ray Harryhausen, traumatisèrent pour longtemps des générations d’artistes : Tom Hanks, Joe Dante, Tim Burton, Steven Spielberg et autres disciples transis. Mais il est vrai qu’entre-temps, Hollywood s’est délocalisé à Wall Street. Avec le piteux résultat qu’on sait.

PS : en attendant, allez donc voir le dernier film de Jean Becker, "Le Collier rouge". Un seul mot pour qualifier ce bijou franco-français : sublime. Et encore, en notant vache.

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05 juin 2018 à 20:18

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