Film / Jeunesse aux cœurs ardents, en hommage à la Légion étrangère

Ridiculisée à travers de nombreuses comédies des années 70, qui vont des Charlots aux films de Jean-Pierre Mocky, en passant par La 7e Compagnie et Je sais rien mais je dirai tout de Pierre Richard, voire fascisée comme dans Les Carabiniers de Jean-Luc Godard, l’armée, depuis un demi-siècle, n’a plus vraiment la cote dans le cinéma français.

Devant un tel constat, Cheyenne-Marie Carron se pointe aujourd’hui comme une fleur pour nous proposer, avec Jeunesse aux cœurs ardents, récemment sorti en DVD, un film-hommage à la Légion, et plus largement à l’abnégation des soldats et à l’esprit de discipline et de camaraderie qui règnent au sein de l’armée.

Une Légion étrangère décriée par les gauchistes, souvent prompts à suspecter les motivations qui peuvent conduire d’anciens délinquants et autres repris de justice à vouloir s’y enrôler : qu’il s’agisse d’y commettre plus aisément toutes sortes d’exactions (le but même de l’armée, à en croire certains) ou – pire encore ! – de se racheter une conduite dans une espèce de contrition christique forcément dévote et méprisable…

David, le personnage principal du film incarné par Arnaud Jouan, répondrait plutôt au second cas de figure, mais en faisant l’impasse toutefois sur la dimension religieuse de la chose.

Issu de la jeunesse dorée parisienne, cet étudiant désœuvré trompe l’ennui avec ses amis en rackettant les riches pour « donner aux pauvres », lorsque le groupe s’en prend un jour à Henri, ancien légionnaire de 90 ans ayant connu l’Algérie, qui continue de se battre pour la mémoire de ses anciens camarades et pour l’honneur de la France.

Recroisant un jour, par hasard, sa victime dans le métro, David se rapproche d’Henri et commence à s’intéresser à son univers…

Une relation d’amitié presque filiale se noue alors entre les deux hommes et permettra à David de trouver enfin sa voie.

À travers son nouveau film, Cheyenne-Marie Carron dresse avec succès le portrait d’une jeunesse paumée ayant grandi sans repères dans les années 1990-2000 et qui, pour sa frange la plus aisée, se cherche bien souvent une raison d’être dans les diverses « luttes » d’extrême gauche : le partage des richesses, dans le cas présent, comme c’eût pu être le véganisme, le "sans-papiérisme" ou la course effrénée aux droits individuels…

Dans le vertige de son propre vide intérieur, David n’a pas même la possibilité de se raccrocher à la figure virile d’un père fort et autoritaire pour lui indiquer le cap à suivre, ce dernier étant trop affairé à militer dans les rues de Paris, maquillé au rouge à lèvres, pour les droits des femmes… Un triste tableau qui explique en grande partie l’enthousiasme de la mère lorsque son fils témoigne un intérêt nouveau pour la Légion et pour les modèles de virtus (forces morales) que lui propose Henri.

S’inscrivant parfaitement dans la filmographie de Cheyenne-Marie Carron, Jeunesse aux cœurs ardents bénéficie non seulement d’un sujet fort mais, de surcroît, comme à l’accoutumée, d’une direction d’acteurs pleine de vie donnant libre cours à l’improvisation dans des séquences dialoguées qui peuvent parfois s’étirer de longues minutes au gré de la cinéaste. Une approche du cinéma relativement proche du jazz, à contre-courant de ce qui se fait habituellement.

Jeunesse aux cœurs ardents est l’occasion, au passage, d’une apparition éclair et appréciable de Jackee Toto, acteur charismatique que l’on avait découvert dans Patries ; et l’occasion aussi de corriger les défauts de La Morsure des dieux, précédent film de la réalisatrice dans lequel la voix off du personnage principal, omniprésente, avait trop tendance à expliciter ses états d’âme et à justifier inutilement ses actions.

Une réussite, indubitablement, à découvrir en DVD.

4 étoiles sur 5

Pierre Marcellesi
Pierre Marcellesi
Chroniqueur cinéma à BV, diplômé de l'Ecole supérieure de réalisation audiovisuelle (ESRA) et maîtrise de cinéma à l'Université de Paris Nanterre

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