[EXPO] Henri Landier, figuratif et libre, fête les 50 ans de son atelier

L'artiste a tracé sa voie en dehors de tout chemin établi. Vive l'art « inofficiel » !
© Henri Landier
© Henri Landier

Autoportrait. © Henri Landier

Tandis que Maurizio Cattelan, l’artiste « à la banane scotchée au mur », est célébré par les médias pour son exposition au Centre Pompidou-Metz, un événement d’une tout autre teneur a lieu à Montmartre : les 50 ans de l’atelier d’Henri Landier.

« Les gens croient souvent qu’être artiste, c’est rester assis en attendant l’inspiration. En réalité, c’est un travail acharné de chaque jour », nous dit Landier. L’homme sait de quoi il parle. À presque 90 ans, il peint depuis plus de sept décennies. Il a à son actif des milliers de toiles, des milliers de tirages de gravures, fruit de ce travail quotidien qui serait un esclavage - rivé au chevalet - s’il n’était source d’épanouissement pour l’artiste et ceux qui regardent ses toiles.

Faire connaître son œuvre, pierre de touche de bien des artistes ! Landier, lui, a fait le choix de quitter le système marchand et les galeries plus préoccupées par le gain que par l’art. Il y a cinquante ans, il crée à Montmartre, rue Tourlaque, dans un endroit aussi pittoresque qu’imprévisible, l’Atelier d’Art Lepic. Un endroit assez grand pour travailler et y exposer son travail en toute liberté, sans avoir sur le dos un type qui n’a jamais tenu un pinceau et qui lui dictera ce qu’il faut peindre pour plaire.

Henri Landier dans son atelier. © Samuel Martin

Or, Landier ne saurait être mis sur des rails. Son instinct le pousse aux chemins de traverse. À renouveler ses thèmes. Personne moins que lui n’est sujet à la routine. Il a peint Montmartre et la Toscane, les villages de France et Venise, la guerre de 14, la construction d’une ville nouvelle en région parisienne et des carcasses de bateaux, des autoportraits, sa femme Romaine, les Japonais danseurs de buto, les écrivains et les gens du spectacle côtoyés à Montmartre… et d’innombrables bouquets de fleurs qui constituent sans doute un des sommets de sa carrière. Même s’il n’aime pas ce mot de « carrière », mot mal sonnant, synonyme d’avancement et de voie tracée d’avance.

Car Landier a aussi, on s’en doute, renoncé au chemin officiel. Celui des acoquinements avec les musées d’État, avec les ministres de la Culture, synonymes de commandes et de subventions qui rendent la vie plus belle - la vie seulement, rarement l’œuvre. Le renoncement fut facile : il lui eût fallu se plier aux diktats de l’art contemporain pour être admis dans les cercles du pouvoir culturel. Or, rien n’est plus éloigné de lui que les pratiques salissantes d’un courant - si bien décrit, décrypté, par Aude de Kerros - qui est à la fois une machine à fric et un système d’expression d’où toute contemplation est absente. Landier ne déconstruit rien, il bâtit.

© Henri Landier

Même si le prix à payer d’un tel choix est parfois rude, Landier ne regrette rien. L’œuvre est là, dont on peut voir un large florilège, à partir du 15 mai, à l’Atelier d’Art Lepic. Si vous avez un coup de cœur, il ne vous en coûtera pas 6,2 millions de dollars, qui est le prix atteint par la banane de Cattelan aux enchères, l’automne dernier. Les fruits, Landier, lui, ne les scotche pas. Il les peint et ainsi se révèle une vision du monde.

On s’interroge, aujourd’hui, sur l’intelligence artificielle. Elle permet à n’importe qui de produire autant d’« images » qu’il veut. Les illustrateurs s’émeuvent. Vont-ils disparaître ? Mais la photographie n’a pas fait disparaître la peinture. Fruit du mystérieux duo que constituent l’œil et la main, au service de l’esprit, l’art est un phénomène irréductible au pur matérialisme d’une focale ou d’un programme informatique. L’art contemporain ne tuera pas plus la peinture. Tant qu’il y aura des artistes comme Henri Landier pour peindre, l’art vivra et la beauté, suivant l’expression usuelle, sauvera le monde.

• Henri Landier, 50 ans de liberté. Du 15 mai au 29 juin 2025.

Du mardi au dimanche de 14h00 à 19h00. Atelier d'Art Lepic, 1, rue Tourlaque, Paris XVIIIe. Contact : Sabine Ermakoff 06 87 38 92 36.

La femme de l'artiste, 1971. © Henri Landier

Picture of Samuel Martin
Samuel Martin
Journaliste

Vos commentaires

3 commentaires

  1. Henri Landier ? Je vais le poursuivre pour plagia car il copie les œuvres que mon petit-fils faisait lorsqu’il avait entre 4 et 5 ans.

  2. l’art avait pour but de créer une relation sentimentale en le créateur et le spectateur, une relation basée sur une émotion qui déclenchait une perception du « beau » du sublime ou une communion d’esprit sur une sensation une impression partagée. Puis le commerce est arrivé,et la marchandisation a crée la « dialectique artistique » consistant a expliquer l’œuvre au futur client (futur « gogo » surtout) à lui faire accepter une création basée sur la « provocation » ou l’incompréhensible ( toujours justifié par cette dialectique) Tout est bien expliqué dans le film « la métamorphose des cloportes »où Pierre Brasseur marchand d »art moderne » explique à un Lino Ventura ahuri que la plus grande arnaque du siècle c’est l’art moderne…

  3. La marchandisation tue l’art . Dès qu’on ajoute un adjectif, ça n’est plus de l’art: contemporain (sic), moderne, abstrait…

Commentaires fermés.

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