Et si on sifflait la fin de l’abondance pour la dernière drogue à la mode, le gaz hilarant ?

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Emmanuel Macron a senti que la fin des vacances tombait à pic pour clamer celle de l’abondance et de l’insouciance en matière climatique. Peut-on espérer la même rigueur pour traiter les autres fléaux, par exemple les toxicomanies ?

Abondance et insouciance sont loin d’être finies. Les toxiques coulent à flots, ruisselant sur les mineurs. Comme du muguet un 1er mai, mais tous les jours, les cigarettes sont vendues à profusion aux bouches du métro parisien par une foule d'auto-entrepreneurs. Se procurer du cannabis est un jeu d’enfant qui fait partir annuellement plus de trois milliards en fumée et la consommation d’autres drogues explose.

C’est le cas du N2O, protoxyde d’azote, appelé aussi gaz hilarant, ou « proto » pour les intimes. Une tendance dénoncée dès février 2022 par Boulevard Voltaire. Utilisé médicalement, en anesthésie et en cuisine, dans les siphons à chantilly, il est à présent consommé de façon détournée par une masse de jeunes au faible pouvoir d’achat. Vendu en cartouche ou en bonbonne, il est vidé dans un ballon puis inhalé pour goûter son effet euphorisant. Un gaz inodore, idéal, lit-on, pour emballer les filles qui craignent les odeurs d’alcool ou de cannabis.

Le N2O cause des effets secondaires immédiats. Il induit notamment des comportements stupides et, donc, des accidents parfois mortels. Une loi promulguée en juin 2021 interdit de le fournir aux mineurs et doit prévenir les états d’ivresse des adultes. Mais la situation empire encore en 2022. La fréquence des hospitalisations en neurologie augmente à vue d’œil, plusieurs jeunes « adultes » sont parfois hospitalisés en même temps en urgence.

Le N2O rend inactive la vitamine B12 particulièrement essentielle aux neurones. Sa consommation répétée entraîne des atteintes nerveuses, avec des troubles sensitifs et moteurs causant douleurs et impotence des membres. La sévérité, très variable, peut conduire au fauteuil roulant. De coûteux examens sont réalisés pour ne pas méconnaître une autre pathologie (selon le précautionneux principe qu’on peut avoir la vérole et un bureau de tabac). Le traitement réduit les dégâts mais un handicap irréversible peut subsister au terme de la kinésithérapie.

Malgré cela, le protoxyde d’azote est aujourd’hui vendu par kilos sur des sites commerciaux grand public, tel Amazon. Officiellement culinaire, son usage réel peut se lire dans les avis de certains clients. Tel celui-ci qui se veut sans doute hilarant, à défaut d’être bien orthographié : « Ma Chantilly n'a jamais été aussi fun à faire, même mes amis qui étaient dubitatifs au départ ont trouvé ce produit vraiment efficace en cas de soirée fraises à la crème. Dommage qu'à chaque fois, on oublie les fraises et la crème… ». Cerise sur le gâteau, le site suggère de lui-même un joli lot de ballons en achat complémentaire. Vive le mariage du rire et de l'intelligence artificielle !

Est-il possible de juguler cette abondance et ces comportements irresponsables ? Quand sera étudiée la proposition de loi déposée par trois députés RN dont Sébastien Chenu, il y a six mois, pour interdire toute vente de protoxyde d’azote à des particuliers, y compris en ligne ?

Avec « la fin des évidences », il est à craindre que cette interdiction sanitaire ne soit rejetée pour atteinte intolérable aux libertés individuelles fondamentales.

Pourrait-elle passer alors, comme d’autres amères pilules, au nom du climat ? Nul doute qu’une part du contenu des bonbonnes finit dans l’atmosphère. Or, le N2O est un des pires gaz à effet de serre, avec un pouvoir réchauffant au centuple de celui du gaz carbonique et une durée de vie centenaire. À titre d’exemplarité, on pourrait donc vouloir interdire les émissions récréatives de N2O avant même celles de CO2.

Jusqu'ici, le rire était un remède naturel et fort peu mortel. Cela pourrait changer si l’usage hospitalier du N2O s’étendait à l’euthanasie. L’hilarant ami proto accompagnerait alors la vie des anciens tout au bout. Pour beaucoup des jeunes, quelle meilleure fin que de « mourir de rire », entouré, à l'hôpital ?

Dr Emmanuel Jalladeau
Dr Emmanuel Jalladeau
Médecin neurologue

Vos commentaires

9 commentaires

  1. Vrai sur le plan chimique et pharmacologique.

    Maintenant, sur le plan psychologique, il est normal que les jeunes (et les moins jeunes avec les antidépresseurs prescrits à la brouette!), tentent de « rire » devant la chaos actuel.

    Peur de ne plus respirer, de ne plus pouvoir se toucher, de ne plus voir l’autre rire et sourire, peur d’être au chômage, peur de mourir d’une myocardite, peur d’avoir froid, peur de ne plus pouvoir se nourrir….

    Alors, oui, un peu de gaz qui est « hilarant » et on rit, on ne sent plus la chape de plomb qui tombe sur les épaules de tous.

    Pour supprimer cet emploi (ainsi que le cannabis et autres dérivés soit disant sans danger), il faut changer de gouvernements : national, européen et mondial : simple???

  2. On attend les EELV pour défendre les jeunes et La Planète… Sandrine et Clémentine sont contentes, elles aiment les hommes déconstruits..

  3. Petite anecdote.
    Je suis pharmacien dans le 93. Une femme nous aborde au comptoir, nous expliquant que son fils consomme du protoxyde d’azote et qu’elle aimerait se débarrasser du gaz en question. Nous acceptons pensant qu’on va nous rapporter quelques cartouches comme celles qu’on trouve dans les caniveaux de la ville assez souvent maintenant.
    Stupeur quand la dame nous rapporte une bouteille de 3,5 kg ! Le fiston ne faisait pas dans la dentelle …
    Nous avons eu toutes les peines du monde à trouver quelqu’un qui accepte de prendre la bouteille pour la détruire.
    Nous avons pensé sur le moment que le « jeune » avait braqué la centrale des gaz d’un hôpital. En lisant les indications sur la bombonne on a retrouvé un site sur le net (aux Pays Bas) qui vendait la bouteille de gaz pour moins de 70€. Il y avait même des promos … il y a bien la foire aux vins me dira-t-on, alors pourquoi nos « jeunes » ne pourraient-ils pas aussi se payer quelques bonnes bouteilles ?

    • Merci.
      Vous serez peut être amené à vendre des bouteilles pleines dans votre pharmacie , à côté des cannabinoides…
      Ce serait justice si c est vous qui devez prendre en charge les bouteilles à recycler! J ai vu en effet qu’il était écrit souvent en gros sur ces bouteilles mettaliques  » recyclabe » , sous entendu donc pas néfaste pour l ‘ »environnement ». La maman dont vous parlez, était je suppose vigilante pour la planète ( même sans savoir forcément qu’ elle avait un stock de gaz a effet de serre à la maison), car je ne suis pas sûr que cela soit écrit sur les bouteilles, ou en tous cas c’ est écrit bien moins gros que  » recyclable » ).

  4. C’est sûr, la période n’est pas à la rigolade. Le principal défaut est celui de l’éducation. Ceci est aussi une attaque contre la jeunesse, le futur de la société.

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