Le secrétaire général de Podemos, Pablo Iglesias, et sa compagne, porte-parole du mouvement, ont droit aux honneurs de la presse : non pour quelque action politique d’éclat, mais pour avoir acheté à crédit une villa avec piscine, près de Madrid, au prix de 615.000 euros. "C’est un scandale !", comme dirait Georges Marchais, s’il était encore de ce monde. Mais pourquoi des dirigeants de la gauche radicale n’auraient-ils pas le droit d’acquérir une propriété confortable, pourvu qu’ils la paient de leurs propres deniers et ne cherchent pas à spéculer ? Surtout quand leur famille doit s’agrandir de deux jumeaux ?

Bien sûr, quand on dirige un parti qui dénonce la puissance de l’argent, ça fait moche dans le tableau. Ses détracteurs ont beau jeu de rappeler certaines de ses déclarations : "Confierais-tu la politique économique du pays à quelqu'un qui dépense 600.000 euros dans un penthouse de luxe ?", s’indignait-il, en 2012, visant un ministre de l’Économie, à la politique austère. Ou encore, en 2015, ce coup de griffe contre les gens d’en haut qui méconnaissent la vie réelle du peuple : "Ça me semble dangereux, ces politiques qui s’isolent, vivent dans des banlieues riches […], qui ne savent pas ce que c’est que de prendre les transports publics."

Du Parti populaire aux socialistes – et dans les rangs mêmes de Podemos –, on s’est jeté sur cette information pour souligner la duplicité de dirigeants politiques qui ont toujours prôné la sobriété financière. Condamnation morale qui ne garantit pas la pureté de l’intention. L’Histoire nous apprend - qu’on le regrette ou non - que, dans la gent politicienne, les paroles et les actes ne concordent pas nécessairement : on peut avoir le cœur à gauche et le portefeuille à droite. Rares sont ceux qui ont la vocation de rester pauvres comme Job.

Pablo Iglesias s’est justifié : "Nous savons que beaucoup de familles espagnoles, mêmes avec deux salaires, ne peuvent pas se permettre un crédit comme celui-ci et c’est pour cela que nous défendons des salaires dignes pour tous." Qui a dit qu’il n’aimait pas les riches ? En fait, il en veut davantage. Par chance, ses parents – un inspecteur du travail et un avocat –, tous deux à la retraite, "ont eu un bon salaire, surtout son père, et leur laisseront un héritage qui [les] aidera". Espérons qu’il n’ira pas jusqu’à leur souhaiter une mort précoce !

Pablo Iglesias, dans son malheur, a trouvé un soutien dans la classe politique française : Jean-Luc Mélenchon, « le millionnaire des Insoumis », comme il fut surnommé quand il rendit publique sa déclaration de patrimoine, d’un montant de 1,13 million d'euros, principalement constitué de biens immobiliers. On évoqua alors ses propos dans Le Monde du 26 août 2016 : "Les privilèges de l’argent sont la cause de tous nos maux. De l’écosystème à la démocratie, l’argent détruit tout ! Voilà ce qu’il faut régler." On aurait dû le féliciter d’être économe et d’avoir utilisé avec parcimonie ses indemnités de sénateur socialiste, pendant près de vingt ans.

La morale de cette histoire ? Mieux vaut éviter de donner des leçons quand on n’est pas soi-même blanc comme neige. Pablo Iglesias, bien qu’il n’ait rien fait de vraiment répréhensible, s’est déconsidéré dans l’opinion ; il pourrait même être démis de ses fonctions. Mais ceux qui en profitent pour l’accabler ne se grandissent pas. Il y a autant de démagogie dans l’étalage des leçons morales que dans les critiques débordant d’arrière-pensées.

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 09/01/2020 à 19:10.

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21 mai 2018 à 15:49

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