Entretien avec Agnès Verdier-Molinié 2/2 : « Nous sommes les champions du monde de la dépense sociale »

agnès verdié

Agnès Verdier-Molinié, directrice de la Fondation iFRAP, le think tank dédié à l'analyse des politiques publiques et laboratoire d'idées, traque depuis des années les dépenses inutiles, les fausses promesses et les politiques des gouvernants. Dans un livre très riche, documenté et chiffré, Le vrai état de la France, publié aux Éditions de l’Observatoire, elle veut donner aux Français qui s'apprêtent à choisir par leur vote le prochain président de la République les éléments indispensables à un choix éclairé. Pour Boulevard Voltaire, au moment où la candidature d'Emmanuel Macron aux présidentielles se dessine, Agnès Verdier-Molinié tire un bilan sévère des cinq années écoulées. Nous vous proposons ici la suite de l'entretien publié hier (à retrouver ici).

Contrairement à la France de Hollande et de Macron, les pays scandinaves ont fait de grands efforts.

Ces pays, l’Allemagne, la Suède, pendant des années, ont été des États-providence comme nous et, tout à coup, ils se sont aperçus qu’ils s’endettaient trop, que c’était risqué : ils ont fait machine arrière et ont dépensé moins, taxé moins. Ils ont revu leur manière de gérer et de produire. Par exemple, en Allemagne, on ne peut pas voter de loi sans savoir combien cela va créer d’emplois ou en détruire. Les Allemands évaluent aussi en permanence la charge administrative qui pèse sur les entreprises. En Suède, les socio-démocrates, en 2004, ont supprimé totalement la taxation sur les successions et les donations, pour garder leurs entreprises et leurs entrepreneurs en Suède, pour produire en Suède. Les Allemands conservent par tous les moyens leurs grosses PME exportatrices. Vous pouvez transmettre en Allemagne une entreprise sans payer d’impôts si vous vous engagez à conserver l’outil de production (capital et humain). Nous, nous sommes encore en train de produire des rapports publics pour dire qu’il faudrait taxer davantage les successions et les transmissions d’entreprises ! Alors que nous sommes déjà le pays le plus taxé de la zone sur les successions. C’est incroyable…

A quoi servent ces taxes ? L’État est défaillant sur la plupart de ses missions régaliennes…

Nos dépenses de protection sociale sont celles qui ont le plus dérivé. 32 % de notre richesse nationale, 800 milliards d’euros par an… Nous sommes les champions du monde de la dépense sociale. Comment accepter d’être le pays qui dépense le plus dans le social et de se retrouver avec plus de 300.000 SDF, 27.000 sans-abri environ, selon des estimations, et des quantités de travailleurs pauvres ? Je montre dans mon chapitre 27 que, selon les données OCDE, les travailleurs pauvres sont 3,7 % en Allemagne et 7,1 % en France… Comment arrivons-nous à dépenser autant pour de si mauvais résultats ? Nous qui sommes si taxés, comment peut-on accepter d’avoir de si mauvais résultats pour l’éducation, la santé, la lutte contre la pauvreté, l’insécurité ? Dans l’éducation privée sous contrat, beaucoup moins bien financée, les élèves de 6e maîtrisent mieux le français que dans les collèges publics. Sans oublier qu’un jeune sur 20 (Journée de la défense nationale en 2018) est illettré et un sur dix en difficulté de lecture alors même que la France dépense un point de PIB de plus en éducation. Ce n’est pas logique. Les citoyens français méritent un service public de qualité.

Quels atouts avons-nous pour rebondir ?

Nous avons tous les atouts si nous faisons le bon diagnostic et que nous mettons en œuvre les mesures qui marchent ailleurs ! Cela se résume à dépenser moins, taxer moins et travailler plus. Faire l’inverse de ce que nous faisons depuis quarante ans. Tout simplement. On part de tellement loin que cela ne peut qu’aller mieux. Nous avons 262 milliards d’euros de dépenses publiques supplémentaires par rapport à la moyenne de la zone euro hors France, et 140 à 150 milliards d’euros d’impôts en plus et 7 milliards d’heures travaillées en moins par an. La bonne nouvelle, c’est que les marges de manœuvre sont énormes. Il suffit qu’on en enlève un tiers ou la moitié et l’économie repartira à fond car la France est pleine de personnes formidables et courageuses, d’entreteneurs, d’indépendants, de salariés qui ne demandent qu’à relever les défis que nous avons devant nous. Nous devons d’urgence mettre à l’endroit notre modèle social pour qu’il ne soit plus désincitatif au travail. En dépensant 80 milliards d’euros de moins par an et en taxant 60 milliards de moins, on peut créer 2 millions d’emplois d’ici 2030 tout en baissant la dette et en équilibrant notre balance commerciale. On a fait croire aux Français qu’en travaillant moins, on allait créer plus de richesse. Il faut leur dire que c’était un leurre mais que la bataille n’est pas perdue. Loin de là.

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 15/06/2023 à 11:35.

Marc Baudriller
Marc Baudriller
Directeur adjoint de la rédaction de BV, éditorialiste

Vos commentaires

43 commentaires

  1. Un pays qui veut être prospère doit favoriser la production en ne taxant pas indûment les personnes qui produisent de la richesse grâce à leur travail et en donnant pas , sans arrêt, de l’ aide à ceux qui ne participent pas à la croissance économique ;c’ est aussi simple que cela :plus un pays développe l’ assistanat ,plus il s’ appauvrit ,la preuve:notre nombre de chômeurs ,de SDFs,de drogués et la dette abyssale que nous reprocheront ,dans quelques années,nos enfants et petits enfants!

  2. Si Monsieur Zemmour est élu, ce que je souhaite, il devrait s’attacher les services de Madame Verdier-Molinié. En tant que ministre de l’économie elle serait certainement bien plus efficace que ses prédécesseurs à ce poste, et ce d’autant que son analyse est conforme en tous points à celle de Monsieur Zemmour

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