Entre une France douloureuse et un pouvoir désinvolte…

personnes âgées

Une épouse de 87 ans est soupçonnée d'avoir mis fin aux souffrances de son mari de 89 ans, atteint d'un cancer généralisé. Elle affirme que c'était à sa demande. Elle a été mise en examen et placée sous contrôle judiciaire. Le comble du pathétique et de la détresse. Une fin de vie dans la souffrance et la solitude.

En même temps, j'ai songé à tous les recalés de la Macronie auxquels on avait offert de beaux postes, en soi mais aussi par rapport à l'échec cinglant de ces candidats aux élections municipales.

Je devine que certains vont juger ce contraste incongru en se demandant quel peut bien être le lien entre cette tragédie conjugale et cette rente couronnant l'insuccès. Entre les difficultés et le drame des uns et les facilités imméritées des autres. Entre une France douloureuse - et il y a mille exemples de ce type - et un pouvoir désinvolte. Le lien est précisément dans le caractère choquant de cet antagonisme qui réserve le risque aux uns et en dispense les autres.

Au lieu de s'indigner de cet affront fait à la démocratie - le jugement du peuple est tenu pour si peu qu'il n'interdit pas à ceux qu'il a désavoués d'être largement gratifiés par ailleurs -, généralement on s'en amuse comme s'il s'agissait d'une tradition quasiment respectable, en tout cas sans conséquence.

Et puis, dira-t-on en se consolant : cela s'est fait sous tous les régimes !

Je ne parviens pas à m'habituer à cet état de choses, à ces promotions indues et à ces rattrapages abusifs.

À une certaine époque, les partisans de la peine de mort affirmaient, pour la justifier, que les seuls pour lesquels le risque professionnel n'existerait plus si elle était supprimée seraient les criminels. Elle a été abolie et je m'en félicite en regrettant qu'aucune perpétuité réelle ne l'ait remplacée.

Dans le monde politique largement entendu, celui des élections, celui où on tente de convaincre les citoyens, le risque est gommé dans la mesure où qui a perdu, même de manière éclatante, sera repêché, se verra offrir un point de chute, une chance républicaine de qualité. Un pouvoir ne laissera jamais tomber les siens, même les plus mauvais. Il n'a pas à récompenser le talent mais la fidélité.

Tous ces recasés de la Macronie sont certainement en train de se réjouir, heureux de leur fiasco initial.

En France, pour cette élite du confort, il y a, il y aura toujours une seconde chance.

Ma dernière pensée n'est pas pour elle mais pour cette femme de 87 ans qui pleure un homme qu'elle a fait disparaître.

Philippe Bilger
Philippe Bilger
Magistrat honoraire - Magistrat honoraire et président de l'Institut de la parole

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