John Cleese, des Monty Python : la cancel culture a tué la comédie

John Cleese

Nous sommes passés de l’entre-soi « On peut rire de tout, mais pas avec n’importe qui » à « On ne peut plus rire du tout ». À 80 ans, le so British, délicieusement irascible et un tantinet sarcastique Cleese est plus occupé que jamais, depuis sa performance intitulée Why There Is No Hope, à Londres, la semaine dernière, jusqu’à son prolifique compte Twitter, écrit Matt Wilstein dans The Daily Beast à qui le comédien a donné une interview.

John Cleese, des Monty Python, pense que la « woke » culture tue la comédie. On parle de cancel culture, c’est la culture de la réécriture de l’Histoire au moyen de l’effacement, ce qui n’est pas sans rappeler les bonnes vieilles photos trafiquées de l’ère stalinienne. Mais il n’est pas dit que cette génération de soi-disant indignés ne reste pas dans l’Histoire comme une génération indigne, car en déboulonnant les statues, ne se conduisent-ils pas comme ces talibans qui ont détruit les bouddhas géants millénaires de Bâmiyân en Afghanistan ? L’idéologie de la cancel culture issue de la politique des identités (Identity politics) participe du même nihilisme.

Le comédien britannique a déclaré que les partisans des identités (woke mob) détruisaient la comédie à force d’injonctions politiquement correctes, affirmant que ces personnes qui cherchent à faire respecter ces nouveaux codes et à interdire les personnalités politiques ou médiatiques qui expriment des convictions prétendument grossières ou font des blagues de mauvais goût n’ont « aucun sens de l’humour et ne comprennent pas la nature de la comédie ».

John Cleese a ajouté qu’il aimerait débattre, de façon amicale, avec quelques personnes dites « réveillées » (woke people) devant un auditoire. « Et je pense que la première chose que je dirais est, s’il vous plaît, dites-moi une bonne blague de “réveillé”. » (A good « woke » joke.)

« Ce qu’ils ne comprennent pas, c’est qu’il y a deux types de taquineries », a ajouté Cleese, en expliquant : « Il y a des taquineries vraiment désagréables, ce qui est horrible, et nous ne devrions pas le faire, point final. Mais l’autre type de taquinerie est affectueux. On peut taquiner les gens de façon très affectueuse et c’est un mécanisme de liaison. »
De la nature de la comédie, il dit que tout humour est critique. « On ne peut pas se moquer des êtres humains parfaits. Si vous avez quelqu’un sur l’écran qui est une bonne personne, parfaite, intelligente, gentille et souple, il n’y a rien de drôle à cela. On ne rit donc que de la fragilité des gens, mais ce n’est pas cruel. Ça peut être très drôle et rester généreux. »
Le comédien de gauche, qui a toujours soutenu le Brexit, mais critique fréquemment le président Donald Trump, a lui-même eu des démêlés avec la « brigade en ligne » après avoir déclaré que « Londres n’est plus vraiment une ville anglaise » à cause des vagues massives d’immigration.

La star des Monty Python a conclu qu’au cours des dernières années, il avait compris l’importance de la comédie. « J’ai commencé à y penser quand j’ai rencontré des gens après mes spectacles sur scène et des hommes de 70 ans m’ont dit, littéralement les larmes aux yeux, “merci de m’avoir fait rire pendant les 40 dernières années”. »

« C’est très touchant. Les femmes disent autre chose. Elles disent : “Merci de m’avoir aidée à former mon sens de l’humour.” Si j’ai touché les gens d’une façon ou d’une autre, c’est tout ce que je veux. »

« Je ne pense pas qu’on me donnera un prix Nobel pour autant », a-t-il plaisanté.

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 14/05/2021 à 18:58.
Thierry Martin
Thierry Martin
Auteur, dirigeant d’entreprise, sociologue de formation

Pour ne rien rater

Les plus lus du jour

L'intervention média

Les plus lus de la semaine

Les plus lus du mois