Il se dit qu’un électeur sur trois se décide lors du repas dominical précédant le vote, au terme d’une discussion animée en famille… Cette année probablement plus que jamais. En effet, quatre candidats sont toujours en mesure de se qualifier pour le second tour. Un fait aussi majeur qu’inédit dans l’histoire de la Ve République. Pourtant, il ne s’agit pas de la moindre des incongruités de cette élection présidentielle si particulière. Tour d’horizon :

- Le Parti socialiste pourrait être absent du second tour. J’utilise le conditionnel par politesse car tout indique que Benoît Hamon n’a aucune chance de combler son retard. Ce n’était plus arrivé depuis 2002, date de l’éviction de Lionel Jospin par Jean-Marie Le Pen. Auparavant, les socialistes n’avaient pas participé au second tour en 1969 (Georges Pompidou était alors opposé au centriste Alain Poher). François Hollande sera donc tenu pour responsable de l’explosion de sa propre formation politique qu'il a troquée contre En Marche ! Quant à ce brave Benoît Hamon, il n’a pas tenu la distance parce qu’il n’a pas bien pensé ses grandes propositions, à l’image du revenu universel qu’il a dénaturé. Comme l’a cruellement dit Arnaud Montebourg : « Quand on fait la campagne des Verts, on fait le score des Verts. »

- Autre institution en danger : la droite. Vainqueur surprise des primaires dites « de la droite et du centre », François Fillon s’est retrouvé plongé dans deux mois d’intenses polémiques autour de l’emploi supposé fictif de son épouse en tant qu’assistante parlementaire. Les péripéties se sont enchaînées sans baisse de régime. Inflexible, l’ancien Premier ministre de Nicolas Sarkozy a tenu bon, jusqu’à l’entêtement selon certains cadres éminents des Républicains. Peut-il encore le faire ? Son socle électoral lui semble fidèle, bien plus par volonté de sortir la gauche que par attachement à sa personne. On brandit le « vote utile »… Est-ce bien raisonnable ? En cas de second tour contre Emmanuel Macron, François Fillon ferait largement moins bien que Marine Le Pen. C’est, du moins, ce qu’indiquent les sondages.

- Alors que les deux grands partis sont en difficulté, le Front national est solidement en tête des sondages depuis maintenant plusieurs mois. En cinq ans, Marine Le Pen a multiplié les succès, enregistrant des progrès à chaque élection. Au second tour des élections régionales, elle enregistrait un record pour sa formation avec plus de 6,7 millions de voix. Compte tenu de la configuration très particulière de cette élection, un peu plus de 8 millions de voix devraient suffire à passer l’obstacle du premier tour. Si Marine Le Pen arrivait en tête, ce serait encore une première. Elle a pour elle le courage, la constance et la prescience sur des sujets importants qui font aujourd’hui une partie de la campagne : l’Union européenne, l’immigration et le terrorisme islamiste.

- Emmanuel Macron réalise, aussi, un gros coup. Quoi qu’il arrive, il aura réussi à faire une OPA sur le centre en partant de la gauche. Pas plus Rocard que Delors n’y étaient parvenus. Candidat transgénique, il est le « choix par défaut ». Si nous savons tous qu’il est l’héritier désigné par François Hollande, il semble toutefois être parvenu à brouiller suffisamment les cartes pour attirer une grande partie de la droite libérale. Sa jeunesse, son image savamment travaillée grâce à la bienveillance d’une partie des médias et son ton très lisse inspiré de Barack Obama seront ses principaux atouts. On dit que sa campagne s’essouffle. Est-ce bien vrai ? Réponse dimanche prochain.

- Dernier impétrant encore en course : Jean-Luc Mélenchon. Vieux de la vieille en politique depuis plus de 30 ans, il capte l’électorat d’extrême gauche, les orphelins du Parti socialiste d’antan et des primo-votants séduits par ses qualités de tribun. Y a-t-il huit millions de Français prêts à se lancer dans l’aventure sans retour d’un admirateur de Chávez et Castro, à la conception toute personnelle du pouvoir ? J’en doute encore. Mais tout est si troublé que la possibilité n’est pas à exclure.

- Quels grands thèmes retenir de cette campagne ? Aucun. C’est terrible, mais le débat a été parasité par les affaires, le spectacle et l’ironie permanente. On retiendra la percée des idées souverainistes, représentées par plusieurs candidats. C’est nouveau. Quid des grands sujets ? À part Marine Le Pen, qui a vraiment parlé d’immigration, de sécurité et d’autorité de l’État ? Presque personne. Je passe sur les questions essentielles à notre avenir : robolution, fracture territoriale, révolution numérique, GAFA ou relations avec le continent asiatique… La géopolitique et la défense nationale ont eu droit à plus d’égards, bien que les discussions soient restées particulièrement confuses…

- Dernier point : les législatives seront-elles le troisième tour de l’élection présidentielle ? Avec l’irruption de candidats affranchis des partis traditionnels, ces législatives s’annoncent particulièrement indécises. Un second tour entre Marine Le Pen et Emmanuel Macron pourrait, par exemple, être meurtrier pour les Républicains et l’UDI…

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17 avril 2017 à 1:26

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