Église : après le rapport Sauvé, la vente des bijoux de famille ?

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On n’a sans doute encore rien vu des conséquences du fameux rapport Sauvé. Nos évêques, en voulant sans doute bien faire, ont mis le doigt dans un engrenage dont on ne voit pas comment l’Église de France pourra sortir indemne, notamment sur le plan matériel. Sur le principe d’indemniser les victimes clairement identifiées, il n’y a pas à discuter. En revanche, on peut se poser la question du comment. Et l’on voit bien l’embarras des évêques sur ce sujet. Pas question de faire appel aux fidèles, à travers, notamment, le denier du culte (on dit « de l’Église », aujourd’hui), se sont-ils empressés de déclarer. Alors, réunis à Lourdes, ils ont sorti de la manche de leur soutane, qu’en général ils portent mal, s'ils la portent, l’idée de vendre des biens mobiliers ou immobiliers. Décidément, ils n’en ratent jamais une.

L'impression donnée au grand public est désastreuse. Non seulement l’Église catholique de France serait un nid de pédophiles mais en plus, elle nagerait dans l’opulence ! Car, comme en tout, il y a le fait et la perception du fait. Les biens immobiliers de l’Eglise ? En 2011, Isabelle de Gaulmyn, dans La Croix, écrivait : « Certains clichés ont la vie dure. Celui d’une Église opulente, dont l’argent proviendrait de fonds secrets et de préférence du Vatican, perdure. La réalité est tout autre. L’Église de France n’est pas riche en soi… » Toujours, dans cet article, Gaulmyn donnait des chiffres : « l’entreprise Église de France » tournait à l'époque avec 700 millions d’euros par an (en 2020, avec 530 millions, d'après Le Figaro). Les principales ressources provenaient du denier (231 millions) et des quêtes (147 millions). Les produits des biens à usage locatif ne rapportaient, quant à eux, que 23 millions par an. Avec un rendement immobilier à 5 % (cela peut être beaucoup plus, ou moins…), on imagine que ces biens peuvent représenter au bas mot une valeur d’un demi-milliard d’euros. Comme tous les bijoux de famille, c’est beaucoup et c’est peu.

C’est sans doute de ces biens qu'il est question de se séparer pour abonder le fonds d’indemnisation. Car on n’imagine pas que nos évêques veuillent vendre les églises construites après la loi de séparation, les autres - Dieu merci !, est-on tenté de dire - appartenant à l’État (cathédrales) et aux communes (églises paroissiales), pour faire simple. Dieu merci ou merci la République ! Quand on voit la grande braderie du patrimoine mobilier de nos églises, organisée par de nombreux curés dans le fameux « élan » du Concile Vatican II, on se dit que cette loi de séparation, finalement, a été une bénédiction. Mais passons…

L’Est républicain consacrait ce dimanche 14 novembre un papier sur le sujet du fonds d'indemnisation. Interviewé, l’économe de l’archidiocèse de Besançon déclare : « Les évêques ont demandé que ce fonds soit doté grâce à la vente de biens immobiliers ou à nos placements financiers. Et qu’il ne s’appuie pas sur la générosité des fidèles. » Quadrature du cercle. Car on ose espérer que ces biens et placements financiers, très souvent fruits de legs de généreux fidèles, rapportent un peu et permettent de boucler le budget et donc, de moins solliciter les fidèles. Et une fois les bijoux de famille vendus, on fait comment ? Le diocèse de Besançon va donc faire un inventaire de ses biens. « Nous verrons de quoi nous pouvons nous séparer », déclare l’économe. Bon courage ! Il y a quelques années, un de mes amis avait été embauché par un diocèse, dont nous tairons le nom, pour s’occuper de ses affaires immobilières. Premier constat à son arrivée : on ne possédait pas l’inventaire exact des biens immobiliers du diocèse… Une exception, espère-t-on. Cela pourrait faire sourire s’il n’y avait pas derrière cela la générosité d’une multitude de donateurs qui, depuis plus de deux siècles, ont permis à l’Église de France de se « refaire » après les vicissitudes de 1789 et 1905. Pas certain que cela marche une troisième fois, surtout pour les raisons que l’on sait. Des raisons qui, cette fois, sont internes et non externes.

On lira avec intérêt la tribune publiée dans La Croix, le 11 novembre, signée de catholiques juristes et universitaires, dont Édouard Husson, bien connu des lecteurs de Boulevard Voltaire : ils refusent ce qui s’apparenterait à une « socialisation »  ou « collectivisation » des « graves scandales » commis. Il semble pourtant, malheureusement, qu’on en prend le chemin.

Georges Michel
Georges Michel
Editorialiste à BV, colonel (ER)

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