Repentance : une exposition sur la traite négrière à Nantes

esclavage arabo-musulmano

L’événement illustre l’irrépressible besoin de fouetter nos ancêtres qui furent si cruels alors que nous sommes si bons, de faire repentance et de battre notre coulpe sur la poitrine des morts. La France n'a pas célébré Austerlitz, notre époque n'aime l'histoire qu'à la condition de la refaire à son aune et à sa honte. Le Mémorial de l’abolition de l’esclavage, à Nantes, installé au château des ducs de Bretagne, propose ainsi une immersion au sein de la traite négrière dans la ville. L’événement, qui se tiendra jusqu’au 19 juin 2022, est décrit comme un « acte démocratique » par l’ancien maire de la ville Jean-Marc Ayrault, ancien Premier ministre, nommé président de la Fondation pour la mémoire de l’esclavage par le Président Macron. Il est à l’origine de ce mémorial.

Vingt ans après la loi mémorielle de Christiane Taubira, l’exposition « Abîme : Nantes dans la traite atlantique et l'esclavage colonial, 1707-1830 » met donc les pieds dans le plat de ce sujet sensible et douloureux. Foin de nuances ou de contradictoire. Le XVIIIe siècle colonial, complexe, et l'ancienne ville de Nantes n'ont pas d'avocat. Le nom de l’exposition lui-même est une référence à l’auteur et philosophe antillais Édouard Glissant, penseur du concept de créolisation cher à Jean-Luc Mélenchon. Le parti pris est donc assumé.

Pour huit euros, le mémorial propose une expérience sensible et immersive qui lève « le voile sur la complexité du réel d’une ville qui fut négrière et esclavagiste ». En déambulant dans les salles boisées et paradoxalement assez chaleureuses, les deux cents œuvres exposées plongent le visiteur dans le quotidien des esclaves à Nantes ou sur un bateau négrier. Ainsi est projetée une modélisation de la Marie-Sépharique pour illustrer l’organisation des conditions de détention à bord. « Ici, on voit que l'espace du navire est un lieu concentrationnaire », explique Krystel Gualdé, directrice scientifique du musée d'histoire de Nantes. L’expo tisse des liens étranges avec l’actualité récente comme Black Lives Matter. Afin de saisir le visiteur, un mur est affiché avec un enregistrement énonçant le nom de chacun des esclaves passés par Nantes. Des effets personnels ou des objets rappelant leur servitude sont exposés. Cela n’est pas sans rappeler le célèbre Mémorial de la Shoah, Yad Vashem, à Jérusalem. L’un des podcasts en partenariat avec le site Slate réclame un hommage à l’esclave inconnu et la reconnaissance des esclaves résistants. Tout est fait pour présenter l’esclavage comme le premier holocauste. L’entreprise de culpabilisation tourne à plein régime.

Il faut que les Nantais d'aujourd'hui soient conscients de leur héritage esclavagiste, de cette faute qu’ils n’ont pas commise. Derrière Nantes, la France est pointée du doigt. Un couple d’armateurs, les Deurbroucq, pose avec ses esclaves. Les témoignages « des personnes mises en esclavage » viennent en contrepoint. Ainsi Pauline, jeune esclave guadeloupéenne envoyée dans un couvent lors d’un long voyage de sa maîtresse. À son retour, Pauline demande à entrer au couvent comme novice, ce à quoi sa maîtresse s’oppose catégoriquement. Soutenue par la prieure du couvent et le maire de Nantes, elle intente un procès qu’elle gagnera en 1716 pour vice de procédure. Le maire et le couvent échappent à peine à l’opprobre.

Les organisateurs ont évidemment voulu profiter de cette exposition pour aborder l’esclavage moderne, le racisme et la migration. Car l’exposition entend « décoloniser la pensée ». C’est dans ce cadre qu’on aborde (enfin) la collaboration active des chefs africains à la traite négrière. Pour préciser que les populations de la côte d’Afrique de l’Ouest ayant négocié avec les Européens ont adopté leurs mœurs et ont été « considérées comme blancs par les Africains de l’intérieur ». Ainsi, les Blancs restent les méchants, même s’ils ont la peau noire.

Le musée nantais traite avec les yeux du XXIe siècle le drame de l’esclavage. Mais pour revivre les milliers de noyades à Nantes d’hommes, de femmes, d'enfants, de prêtres et de religieux au moment de la Terreur révolutionnaire, il faudra attendre.

Louis d'Amayé
Louis d'Amayé
Analyste consultant en veille stratégique

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