Éducation nationale entre harcèlement et empathie : la grande peur des parents

larmes

Depuis que le scandale des courriers du rectorat de Versailles a été révélé, on ne cesse de s'interroger sur le degré de confiance que l'on peut accorder à l'Éducation nationale. On n'a pas tort. Le comportement de l'ancienne rectrice n'a pas été particulièrement respectable. Mais si l'on en croit l'avocat Damien Challamel, qui s'exprimait vendredi sur Radio Courtoisie, cette froideur et ces menaces auraient été voulues afin de décourager les parents vindicatifs et de se prémunir de prodromes d'une éventuelle nouvelle affaire Samuel Paty. C'est toujours difficile de bien doser, quoi.

Bref, depuis que Gabriel Attal s'est saisi de cette affaire, la parole se libère, comme le dit l'expression médiatique consacrée. Les enfants n'hésitent plus à raconter ce dont ils sont victimes. En soi, c'est très bien, mais cela pousse les parents à s'affoler pour des choses qui, souvent, n'en valent pas la peine. Là aussi, comme dans le cas des courriers du rectorat, mouvement de balancier un peu excessif. Hier, on ne voulait pas savoir ce qui se passait et on laissait ses enfants partir à l'école avec la peur au ventre ; aujourd'hui, on craint que même une dispute dans la cour de récré soit le signe du harcèlement scolaire particulièrement abject.

Le ministre de l'Éducation nationale a décidé de mettre en place des cours d'empathie, comme au Danemark. C'est plein de bonnes intentions, mais ça ne sauvera pas des enfants habitués, depuis leur prime enfance, à la violence gratuite et aux règlements de comptes en bas de chez eux. Le harcèlement scolaire est probablement aussi vieux que l'école elle-même. Les enfants sont plus ouvertement cruels que les grandes personnes parce qu'ils n'ont pas encore appris toutes les vacheries du monde des adultes, mais ils ne sont ni meilleurs ni plus innocents.

Il est toujours un peu vain de parler de soi mais, une fois n'est pas coutume, je vais vous raconter une histoire personnelle. Il y avait, dans le lycée que je fréquentais jadis, un petit gars qui était la tête de Turc de la classe d'à côté. Nous le savions confusément, nous ne voyions rien, ou peut-être ne voulions-nous pas le voir. Ce garçon était plus petit de taille que tout le reste des élèves de première. Toute sa classe se moquait de lui et lui, il souriait doucement, sans se fâcher. Il n'avait pas une tête de victime (grosses lunettes, corps fragile ou appareil dentaire), il avait plutôt l'air équilibré. Jamais il ne fut frappé, à ce qu'il nous sembla, mais c'est vrai que, souvent, il passait la récréation à subir des remarques désagréables. Les mois passèrent. Un matin, sa mère, ne l'entendant pas se lever, ouvrit la porte de sa chambre et le trouva pendu. Pourquoi avait-il décidé, précisément ce matin-là, que tout cela ne le faisait plus rire ? Les adolescents sont si tourmentés... Allez savoir. On enterra ce gentil petit gars après des obsèques dans la très chic paroisse du quartier. Nous devions apprendre plus tard qu'à cette messe, ce furent ses bourreaux les plus cruels qui avaient sangloté le plus fort, lu les textes les plus émouvants et fait aux parents du petit bonhomme les plus répugnantes démonstrations d'amitié. Ceux qui ont déjà enterré quelqu'un le savent : c'est laid de pleurer à des obsèques et, donc, on évite parce que c'est toujours sur soi que l'on pleure. Là, c'était pareil.

La nature humaine est blessée par le péché originel et, souvent, ça la rend très laide. Il ne faut pas davantage de lois contre le harcèlement ni de parents qui pleurnichent sur leur propre incurie et leur propre incapacité à armer leurs enfants rois pour qu'ils affrontent ce monde si dur et si malveillant. Ce trop-plein d'angoisses des parents n'est qu'une manière de se défausser sur un corps enseignant incapable et dépassé - et dont ce n'est pas le métier. Ce qu'il faut, c'est de la bonté. Mais, n'en déplaise à M. Attal, les sentiments ne s'enseignent pas.

Arnaud Florac
Arnaud Florac
Chroniqueur à BV

Vos commentaires

15 commentaires

  1. À l’époque où ce ministère s’appelait le ministère de l’instruction, les instituteurs ayant, eux, une vraie vocation, auraient ou étaient plus attentifs aux comportement de leurs élèves. Le parents ne se sentaient pas déboutés du devoir d’éduquer leur progéniture ! j’espère que notre jeune, ministre prometteur aura assez d’entregent pour faire cette grande réforme consistant à laisser l’éducation aux parents.

  2. De la bêtise de gamin, on est passé à la délinquance. Le smartphone est la plaie de ce siècle commençant.

  3. Ce ne sont pas des cours d’empathie dont les élèves ont besoin, mais des cours de morale publique, comme autrefois !
    Apprendre à respecter autrui, ce qui s’avère très difficile dans cette époque narcissique du « moi d’abord ». L’empathie, comme la sympathie, ne se décrète pas !

  4. Ils osent pas nommer les harceleurs , quand aux harcelés ils ne disent pas non plus leurs prénoms, tout le problème est la et il restera entier tant que les laches n oseront pas le dénoncer

  5. Les enseignants devraient normalement s’apercevoir des signes de harcèlement déjà dans la classe et plus encore à la récré.

  6. Et si, avant de faire la morale à nos enfants du public, on revenait très simplement aux fondamentaux, à commencer par l’instruction ?
    Une instruction donnant du beau, du grand, du vrai, qui permette de bâtir un idéal sur lequel construire sa vie.
    Il semble qu’ATTAL et l’Education Nationale soient plutôt partis pour jouer les nouveaux curés jansénistes, ayant davantage le péché sur la bouche que la beauté des vertus qui faisaient déjà les Romains avant de faire les chrétiens…

  7. La « punition » que fait subir la Russie aux soldats ukrainiens capturés est interessante et correspond à cet article.
    En effet, ils font marcher ces captifs tout le long de l’avenue des Anges (rue consacrée aux enfants du Donbass tués par les ukrainiens depuis tant d’années), jusqu’au mémorial qui leur est consacré. On leur a donné une peluche qu’ils doivent déposer parmi les autres au pied de ce mémorial.
    On voit ces captifs pleurer. C’est prenant.
    J’ignore s’ils pleurent sur eux ou sur ces enfants, mais je crois que cela leur fait prendre conscience de la réalité.

    • Je ne savait pas ça. Je suis heureux de l’apprendre. Ces soldats ukrainiens garderons ce moment dans leur conscience jusqu’à leur dernier souffle. Espérons qu’ils prendront conscience, justement, que les occidentaux et leurs dirigeants les ont volontairement envoyés à la mort non pas pour leur pays mais pour l’occident prédateur (dont l’intérêt n’est pas le peuple ukrainien mais l’affaiblissement de la Russie).

  8. Ce qu’il faut c’est de la bonté nous dit M Florac
    qui doit certainement prendre 2 à 3 migrants chez lui comme le voudrait le pape.
    Pour éviter la violence, il est nécessaire de détecter les enfants qui ont des problèmes de comportement et de parler avec eux, s’intéresser à leurs traumatismes et voir comment ces problèmes de comportement peuvent évoluer. L’éducation Nationale a je crois un rôle à jouer.
    A noter que certains enfants , génétiquement, ont une absence d’empathie.
    voir le livre Faire face à la violence de Maurice Berger édition l’Artilleur, page 85 à 87

  9. Bientôt ce ne seront plus des écoles ou des collèges , ce seront des centres de rééducation à la société d’obéissance. C’est fou toutes les restrictions qu’ils nous infligent au nom du Bien (confinement, pass sanitaire, russophobie, interdiction d’avoir des réserves sur le réchauffement climatique d’origine anthropique, etc.etc) Le triste est que sur tous ces sujets, les français sont majoritairement d’accord avec ces restrictions et cette pensée unique. Philippe Pascot « le système travaille contre le peuple mais avec sont consentement. Les français sont pour le totalitarisme car on leur dit que c’est le Bien et pour qu’ils le croient le gvt continue à verser des aides de toutes sortes dont la prise en charge de la facture énergétique qui bénéficie à tout le monde. Ils croient donc que le totalitarisme est dans leur intérêt. Mais quand la rigolade sera finie, il sera trop tard et de liberté, nous n’auront plus que celle… des animaux domestiques.

  10. Si la France avait à sa tête depuis des décennies des présidents et du personnel gouvernemental capables « d’empathie » sincère, peut-être, je dis bien peut-être, n’en serions-nous pas là aujourd’hui.
    Quoi qu’il en soit, ce qui ressort de l’article, est « on ne va pas refaire le monde. »
    Ce n’est pas Macron qui me contredira, car en matière « d’empathie » là y’a beaucoup à faire.

  11. On peut essayer d’enseigner la gentillesse, la politesse, le respect mais l’empathie est un état d’esprit qu’on a ou pas : cela se constate déjà à la maternelle

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