Édouard Philippe montre les muscles… et son talon d’Achille

édouard philippe

Dans une tribune du HuffPost, Édouard Philippe adopte un point de vue optimiste sur l'avenir de la planète. Rejetant la décroissance, il estime que « le seul effondrement qui nous menace pour l’instant, c’est celui de nos volontés ». Laissons aux spécialistes le soin de démêler le vrai du faux dans ce débat sur le progrès. Arrêtons-nous plutôt sur cet éloge à peine voilé de la volonté, qui tombe à pic au moment où le gouvernement va être confronté à une contestation quasi générale de la réforme des retraites.

Ouvrant, à Matignon, le séminaire consacré à cette réforme, le Premier ministre a assuré que le gouvernement veut voir « comment encore [l'] améliorer » et « accompagner les Français dans cette période de discussions et peut-être aussi de journées d'action sociale qui se préparent ». De son côté, Gérald Darmanin a déclaré, dans un entretien au JDD, que les régimes spéciaux « ont eu sans doute leur intérêt dans le passé mais ils ne se justifient plus », assurant que « la réforme des retraites se fera ».

Passons sur le subterfuge qui consiste à faire croire que la réforme vise à abolir les privilèges des régimes spéciaux, alors qu'elle va bien au-delà et que, dans son état actuel, elle diminuera sensiblement le montant des pensions de la plupart des Français. Attachons-nous à la volonté politique du gouvernement de ne pas reculer (ce qu'il fait déjà depuis plus d'un an en reportant sans cesse le dépôt du projet de loi), pour ne pas oblitérer sa capacité à réformer le pays, pour laquelle il aurait été élu.

Une fois de plus, nos dirigeants, en montrant leurs muscles, soulignent le talon d'Achille qui les rend vulnérables. Ils ont beau répéter que la réforme des retraites est une promesse de campagne d'Emmanuel Macron, qui a été approuvée puisqu'il a été élu, ils oublient de rappeler dans quelles circonstances le scrutin présidentiel a eu lieu. C'est une imposture de prétendre que tous les électeurs qui ont assuré l'élection du vainqueur lui donnaient carte blanche pour accomplir son programme. Plutôt que de se targuer d'une majorité qu'ils n'ont jamais eue, ils devraient se remettre en question ou, au moins, faire preuve de plus d'humilité.

Sans doute est-il normal que le gouvernement veuille paraître fort et réaffirme sa volonté de mener cette réforme jusqu'au bout, en prenant le temps de la pédagogie pour mieux faire avaler la pilule. Mais, en refusant de s'interroger sur la pertinence d'un projet contesté de toutes parts, il ne donne que des signes de faiblesse. On peut s'attendre aussi à ce qu'il monte le privé contre le public, les diverses professions les unes contre les autres, pour faire passer, en divisant, un projet qui répond plus aux recommandations de Bruxelles qu'aux intérêts des Français. Car si une réforme des retraites est nécessaire dans les années à venir, la réforme projetée est loin d'être la meilleure.

Les actions qui vont débuter le 5 décembre auront des objectifs différents, voire opposés. Entre les revendications de la CGT et celles des professions libérales, on ne trouve guère, a priori, de points communs. Mais elles auront le mérite de montrer l'ampleur du mécontentement d'une majorité de Français et le discrédit dans lequel est tombé le pouvoir actuel. La sagesse voudrait que Macron et son gouvernement changent de politique. Faute de quoi, ils connaîtront l'humiliation supplémentaire d'être chassés par les urnes.

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Philippe Kerlouan
Chroniqueur à BV, écrivain, professeur en retraite

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